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Pere III el Cerimoniós (1319 – 1387)

Premiers mots du discours d’ouverture du roi devant les députés à Montsó

« Si le frère de mon père n’avait pas renoncé à ses droits pour se faire religieux,

Si mon frère, l’aîné héritiernormalement, n’était pas mort dans son enfance,

Si moi-même, né prématurément à sept mois, n’avais pas surmonté la faiblesse de mon corps… jamais je ne serais devenu roi… »

  1. Une activité juridique débordante.

Pere III fonde et organise les Archives Royales. A l’époque, ces archives royales sont uniques en Europe. Ces textes constituent plus de 6.000 registres; je peux vous affirmer que ce sont aujourd’hui les plus riches de l’Europe du XIVe siècle.

La Chancellerie est composée d’un grand nombre de scribes parlant et écrivant le latin, le catalan et l’aragonais qui notent, recopient, et conservent toutes les correspondances du roi.

Très près du protocole et amoureux de la cérémonie, Pere III portera le nom de Pere el Cerimoniós.

2 – Une activité politique prolifique.

Pere III aime le cérémonial, mais il n’est pas conservateur. Il réglemente et organise la Cort, assemblée des députés qu’il réunit plus de trente fois durant son règne. La plupart du temps, c’est lui qui dicte son discours d’ouverture de l’Assemblée et c’est également lui qui le lit.On sait qu’il s’exprimait avec talent [aujourd’hui, on dirait que c’est un bon parlementaire]. Ce sont des oraisons historico-littéraires ; érudit, brillant, éloquent et redoutable, il fait des allusions à l’histoire du pays, à ses gloires et à ses grandeurs pour attirer l’attention et les faveurs des députés.

En 1359 à Cervera, Pere III institue un gouvernement permanent composé de trois députés qui siègent à Barcelona : c’est la Generalitat (Voir la CARTA 29). Désormais, le pays vit sous une monarchie constitutionnelle (suivant un terme moderne). Par exemple, le roi ne peut lancer une campagne militaire sans l’accord des Corts Catalanes (le parlement des députés). C’est ainsi qu’en 1368, devant l’assemblée, il explique que les Génois veulent s’installer en Sardaigne qui est, depuis 40 ans, une possession catalane et il clame :

Casque de guerre de Pere III

Premièrement, dois-je aller personnellement dans cette ile pour la défendre ?

Deuxièmement, faut-il y aller avec une flotte importante et une armée ?

Troisièmement : si oui, avec des soldats catalans ou des étrangers ?

3 – Une activité universitaire profonde avec la protection des artistes.

Pere III fut un grand mécène. Il fonde deux nouvelles universités qui s’ajoutent à celle de Lleida créée en 1300. D’abord celle de Perpinyà en 1349 et celle d’Osca, en Aragò, en 1354. À l’université de Perpinyà, on enseigne la théologie, le droit, les arts et la médecine. Elle possède les mêmes règlements qu’à Lleida. Les étudiants y entrent vers 15 ou 16 ans et il en vient de toutes les régions en plus du Rosselló: Barcelona, Girona, Urgell, Vic, Solsona, València, Sardaigne, Sicile, et quelques-uns de France.

En tant que protecteur des artistes, il demande qu’on lui rédige un Llibre de Concordances, c’est-à-dire un dictionnaire de rimes, qui sera très utile aux poètes. Il fait traduire en catalan un grand nombre de livres anciens : l’œuvre du philosophe Maimònides, le traité d’agriculture écrit du temps de l’empire romain, les Heroïdes d’Ovide (50 av. J.-C.), De Consolatione Philosophie de Boèce (500 apr. J.-C.), l’Histoire de Vincent de Beauvais qui énonce les connaissances du XIIIe siècle, il demande à Francesc Eiximenis d’écrire « lo crestia », etc. 

4 – Une activité d’historien unique.

Pere III a raconté sa vie dans sa Chronique, rédigée en langue catalane. Il raconte, explique et justifie ses décisions. Comme ses prédécesseurs, il montre un grand amour pour la Terre Catalane.

Una pàgina de la Crònica del rei.

Pere el Cerimoniós a été poussé par l’exemple de Jaume Ier qui avait écrit une chronique. La sienne est écrite en partie par lui-même et parfois il a dicté des passages. Il l’a rédigée, aussi peut-être, pour justifier sa politique intérieure et internationale, ce qui expliquerait qu’elle soit moins spontanée que les trois autres de ses prédécesseurs. Cependant, le roi avait le sens de l’État et de la lignée royale. Il veut être un exemple pour ses successeurs. La période décrite couvre une période de 1319 à 1387. On comprend les choix du roi, on découvre sa vie personnelle, on saisit les rapports psychologiques entre le roi, la noblesse, le clergé et la bourgeoisie. La Crònica a été minutieusement rédigée et réfléchie.

Nous  connaissons les personnes qui ont travaillé à sa rédaction et à la révision finale : le mestre racional (ministre des finances) Bernat Descoll, el cambrer Arnau Torrelles, le camerlenc Ramon de Vilanova, l’écrivain Bernat Descavall.

La Crònica a été traduite en castillan et en anglais.

5 – Une activité de bâtisseur infatigable.

La Sala del Tinell à El Saló des Cent (mairie actuelle)

À cette époque, l’Europe se lance dans un nouveau style : le style gothique. Certes, on adopte les éléments basiques internationaux, mais chez nous, le style gothique est sobre, ordonné, fait de grandeur et de dépouillement. C’est une architecture typiquement catalane qui porte le nom de gòtic català.

Par exemple à Barcelona, la Salle del Tinell, le Salon des Cent, la Loge de Mer, les Drassanes, l’église Santa Maria del Mar, véritable cathédrale des Marins, etc. Pere III est le champion des fortifications. Chez nous, nous lui devons le Castillet (1367) et quelques 29 places fortes – châteaux ou tours – fortifiées ou améliorées : Conflent, Cerdanya, Capcir, Rosselló, Vallespir.

L’emblématique Castillet à Perpinyà
Les remparts d’Ille-sur-Têt

Les drassanes de Barcelona sont les chantiers où les Catalans  construisent et réparent les bateaux (coca, nau et galère). A deux pas de la mer, elles sont recouvertes d’un immense toit. Là, on imagine une fourmilière s’agiter : des menuisiers, des peintres, des forgerons, des couturiers… Les drassanes comptent déjà, sous Pere III, huit grandes nefs (certaines de 100 mètres de long) de style gothique catalan. Aujourd’hui les drassanes abritent le prestigieux Musée Maritime… avec, la Salle Pere el Cerimoniós.

C:\Users\user\Desktop\FOTO-FOTO.jpg\sceaux de pere.jpg  Sceau de Pere el Cerimoniós.

 

Mais le bâtiment le plus émouvant est bien celui qui se trouve au monastère de Poblet. Pere III fait construire un monument, pour que ses prédécesseurs, lui-même et ses successeurs y soient ensevelis : ce sont les tombes royales.

Les tombes royales telles que Pere III les a fait construire au monastère de Poblet. En 1360, il écrit qu’il vient au monastère « specialment per posar en estament e donar acabament al fet de la dita sepultura ». Pour protéger les dépouilles royales d’éventuelles déprédations, il fait fortifier le monastère de trois murailles successives. Mais, les tombes seront endommagées en 1835.

C:\Users\user\Desktop\tombesRoyales.jpg

Aujourd’hui, restaurées, elles se présentent ainsi.

6 – Son testament

Ses deux fils Martí et Joan, qui vont lui succéder, verront le jour à Perpinyà. Pere III, roi d’Aragó et de València, comte de Barcelona, roi de Sicile, de Corse et de Sardaigne, seigneur du Duché d’Athènes, quitte ce monde le 5 janvier 1387, à l’âge de 68 ans. J’ai retenu ce bel hommage qu’il nous adresse, à nous les Catalans, par-delà les siècles :

Il existe chez les Catalans un esprit de fraternité et de fidélité à la patrie,

c’est ce qui distingue les Catalans de tous les autres peuples.

             Joan Villanove