ANC France

Lettre janvier 2024

Chers adhérents et amis de la Catalogne, 

Les juges1poursuivent sans vergogne leur guerre contre l’indépendantisme et, au-delà, contre  la Catalogne qu’ils veulent écraser tout comme l’avait fait en 17142l’idéologie de leurs aïeux.  Le Parti populaire (PP) se bat pour discréditer le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE),  actuellement au gouvernement, le regard rivé vers les prochaines élections, tout d’abord en  Galice (le 18 février) puis au Parlement européen, en juin prochain. Vox ne cède en rien au PP  ni aux juges dans la guerre contre l’amnistie, contre l’indépendantisme et contre tout ce qui a  une odeur à catalan, mais également contre le gouvernement socialiste que les deux partis  voudraient faire tomber à cause de l’accord que celui-ci a signé avec les partis indépendantistes.  Au Principat3, le Parti socialiste de Catalogne (PSC) attend son tour, Junts per Catalunya (Junts) et Esquerra republicana de Catalunya (ERC) se battent pour le pouvoir et les  indépendantistes anonymes continuent d’être favorables à l’indépendance dans les sondages  effectués de temps en temps. Mais tout cela n’est que la pointe de l’iceberg, celui du panorama  politique actuel, avant-coureur d’une année intense et annonciateur d’assauts juridiques  violents. 

Dans ce contexte politique, l’Assemblea Nacional Catalana (ANC), clairement opposée au  pactisme affiché par ERC et Junts, a déjà mis en marche la liste civique, comme nous l’avions  annoncé dans la lettre de décembre 2023. Pour l’instant, des réunions d’information sont  organisées sur cette liste civique et sur l’objectif qui est le sien, c’est-à-dire la création d’un  groupement d’électeurs qui se présenterait aux prochaines élections au Parlement de Catalogne  afin de mettre en œuvre l’indépendance. Cette initiative, cependant, ne recueille pas  l’assentiment général. Environ 130 personnes ont signé et publié un manifeste dans lequel elles  

1La justice, en général, fonctionne correctement. C ’est la direction de la justice, imprégnée d ’idéologie franquiste  qui n ’a pas effectué sa transition vers la démocratie. 

2La guerre de succession d’Espagne qui se termine en 1714 par l’interdiction pour les Catalans de leurs  institutions et de leur langue, est une guerre pour le pouvoir et le contrôle de l’Europe. Pour en savoir plus, voir  le document édité par la Generalitat « Catalogne, 1714. Voyage sur les lieux de la guerre de succession et à  l’époque baroque » :  

https://empresa.gencat.cat/web/.content/20_-_turisme/publicacions/documents/arxius/Catalunya-1714_fr.pdf 3 La principauté de Catalogne était un État du bas Moyen Âge et de l’Époque moderne, sous l’autorité des Corts  Catalanes (le Parlement), créé à partir du XIIesiècle par l’union des comtés catalans dont le souverain est  Alphonse II d’Aragon et 1er de Barcelone. Même sans être formellement un royaume, la principauté était  juridiquement et institutionnellement sur un pied d’égalité avec le reste des États qui composaient la couronne  d’Aragon. Actuellement est synonyme de ‘Catalunya’.

exposent leurs divergences. Elles dénoncent le fait que la proposition ne respecte pas les statuts  et que le projet ne soit pas transversal. Toutefois, elles défendent l’option d’une « liste unitaire  avec l’ensemble du mouvement indépendantiste ». Vous trouverez le manifeste inclus dans  l’article suivant : 

https://www.vilaweb.cat/noticies/lluis-llach-blanca-serra-i-mes-dun-centenar-de-carrecs-i-ex carrecs-de-lanc-critiquen-la-proposta-de-llista-civica/ 

Ainsi que l’article « Une erreur grave de l’ANC : s’impliquer dans une candidature électorale »  de Carles Castellanos, militant indépendantiste historique, membre de l’ANC, militant de Poble  Lliure4et professeur de l’Université autonome de Barcelone (UAB), publié sur Llibertat.cat.  Voici le lien :  

https://www.llibertat.cat/2024/02/un-error-greu-de-l-anc-embolicar-se-en-una-candidatura electoral-56094 

Concernant les réunions d’information pour les adhérents de l’extérieur, nous vous  communiquerons, dès que nous les aurons, les dates qui seront forcément en février puisque,  entre le 1er et le 14 mars, nous, les membres de l’association, pourrons décider si nous voulons  pousser en avant ce projet. 

Pour en savoir plus, cliquez sur la page web dédiée de l’ANC : 

https://www.llistacivicaxlaindependencia.cat/

……… 

Ainsi donc il n’y aura pas d’amnistie. Pour l’instant. Après un long mois de discussions, de  débats, d’amendements et de doutes, Junts a voté contre le projet de loi (30.01.24). La rédaction  du projet de loi laissait trop de brèches par où les juges auraient pu s’engouffrer et transformer  la loi en un texte sans valeur. En conséquence, nombre de personnes mises en cause n’auraient  pu bénéficier de cette loi, voire même ce texte aurait pu servir à mettre en examen encore  davantage d’indépendantistes, comme l’explique Gonzalo Boye (l’avocat en charge de la  défense du président Carles Puigdemont et de Toni Comín, en particulier) dans cet entretien  publié par le journal en ligne Vilaweb

https://www.vilaweb.cat/noticies/entrevista-gonzalo-boye-amnistia-terrorisme/

Cela ne veut pas dire que la loi ne verra pas le jour, cela veut dire, simplement, que le texte doit retourner à la commission de la Justice du Congreso de los diputados, en nouvelle lecture. Les  députés de la commission ont maintenant quinze jours pour délibérer, élaborer une nouvelle  rédaction et la proposer au Congreso réuni en séance plénière ; puis les députés disposeront eux  aussi de quinze jours pour débattre sur la nouvelle rédaction du projet de loi et, en fin de compte, procéder à un nouveau vote sur le texte amendé issu de leurs débats. Comme le 30 janvier  

4‘Poble lliure’ est un parti politique de gauche faisant partie de la Candidature d’unité Populaire (CUP), une  coalition indépendantiste « assembléiste » classée entre la gauche et l’extrême gauche.

dernier, le projet de loi devra obtenir la majorité absolue des votes pour être adopté et suivre la  navette parlementaire au Sénat. Le refus inattendu de Junts a déconcerté l’ensemble des partis  et a, en particulier, rendu furieux ERC et Pedro Sánchez. Le refus de Junts, a toutefois permis  de gagner un mois pour continuer à négocier avec le PSOE et tenter de renforcer le projet de la  loi contre les manœuvres judiciaires d’une part du juge García Castellón en charge des cas du  Tsunami Democràtic5et de celui des Comités de défense de la République (CDR) et, d’autre  part, du juge Aguirre en charge du cas Vólkhov. Une douzaine de membres des CDR sont  accusés d’appartenir à une organisation terroriste ainsi que de détention, de recel et de  fabrication de substances ou d’appareils explosifs ou inflammables ou de leurs composants à  caractère terroriste. 

Si, à l’issue de cette procédure qui ouvre un délai supplémentaire aux discussions, le projet de  loi n’était pas adopté, il serait définitivement rejeté. Dans ce cas, la survie de la législature  pourrait être remise en question et une nouvelle phase politique pourrait s’ouvrir avec de  nouvelles élections. 

En résumé, ou bien le PSOE cède et retire la mention de terrorisme avec les conséquences que  cela aura nécessairement dans ses relations avec le PP et, également, au sein du PSOE lui même, ou Junts accepte de voter un texte qui en exclura un nombre inimaginable de personnes  laissant le mot d’amnistie vide de sens, ou, troisième option, il est mis fin à la législature. Ils  ont un mois. 

Concrètement, le PSOE avait, dans son exposé des motifs initial, exclu de l’amnistie les délits  de terrorisme et de haute trahison. Or, plusieurs semaines avant que le PSOE ne présente son  projet de loi, le juge García Castellón s’était débrouillé pour conserver le contrôle de la cause  contre le Tsunami Democràtic. Cela s’est passé en octobre 20236à la suite de quoi le procureur  Miguel Ángel Carballo, changeant de tactique7, s’était opposé à l’accusation de terrorisme et  avait défendu la thèse des désordres publics. Afin de contrecarrer la position du procureur  antiterroriste, le juge avait accepté ou peut-être même poussé Vox et l’organisation d’ultra 

droite Dignidad i justicia à se constituer partie civile dans la cause contre le Tsunami  Democràtic. Et c’est ainsi que, avec l’aide de l’extrême-droite, le juge García Castellón a pu  maintenir l’accusation de terrorisme contre le Tsunami Democràtic et donc le contrôle de la  cause à l’Audiencia nacional8

Mais cela, Junts et ERC le savaient. Ils ont néanmoins accepté la rédaction socialiste.  Pourquoi ? Josep Casulleras, lors de la Terturlia proscrita du 1er février affirmait « Pedro  Sánchez a finalement été investi sans que le problème de l’insertion de la référence au  terrorisme ait été résolu. En même temps, le projet de loi était présenté au Congreso. De sorte  

5 Le Tsunami democràtic était une plateforme de messagerie instantanée qui avait organisé différents actes de  résistance pacifique en 2019 pour protester contre les sentences condamnant les dirigeants politiques à des peines  de prison exorbitantes. L’acte ayant eu le retentissement le plus grand a été le blocage du terminal 1 de l’aéroport  de Barcelone. 

6 Dans l’émission La Terturlia proscrita, il a été souligné que cette opération avait eu lieu en septembre 2023. 7 Quatre jours avant les élections du 23 juillet, il avait soutenu le caractère terroriste du Tsunami Democràtic 8L’Audiencia nacional est un tribunal d’exception hérité du franquisme. Il a été créé le 4 janvier 1977 pour  remplacer le Tribunal d’ordre public, les compétences de l’un étant passées à l’autre. Il est compétent dans les  crimes graves et les affaires ayant une importance nationale, voire internationale, comme par exemple le  terrorisme, le crime organisé ou le trafic de drogue.

que je crois que c’est cela le péché originel, celui qui fait que maintenant il soit si compliqué  de faire machine arrière ». 

Vous pouvez écouter La Tertulia proscrita du 1er février dont le sujet était « Toutes les clefs  pour comprendre le non de Junts au projet de loi d’amnistie » en cliquant sur le lien suivant : 

https://www.vilaweb.cat/podcast/tertulia-proscrita-no-junts-llei-amnistia/

Un peu plus tard, au début du mois de novembre, au moment-même où Junts s’apprêtait à  annoncer son accord sur le texte du projet de loi d’amnistie proposé par le PSOE, le magistrat  García Castellón avait fait savoir qu’il avait décidé d’ouvrir une information judiciaire pour  terrorisme à l’encontre de Carles Puigdemont et de Marta Rovira. La publication de cette  décision avait contraint Junts à ajourner de deux ou trois jours l’annonce de son accord avec le  PSOE de manière à pouvoir analyser l’incidence que la décision du juge pourrait avoir dans le  contexte politique. 

Autrement dit, le juge García Castellón a tout d’abord commencé par manœuvrer pour  maintenir la cause du Tsunami Democratic à l’Audiencia nacional, puis il a décidé d’ouvrir une  information judiciaire à l’encontre de Carles Puigdemont et de Marta Rovira, à la recherche  d’indices et de liens pouvant les impliquer, de manière surréaliste, dans un délit de terrorisme  et, parallèlement, le juge Joaquín Aguirre a réactivé le cas Vólkhov accusant Carles Puigdemont  et d’autres personnes de son entourage de haute trahison. 

Le cas Vólkhov avait surgi en 2017. A ce moment-là, de hauts dirigeants de l’indépendantisme  avaient été accusés de s’être associés avec la Russie afin d’obtenir une aide économique et  militaire de ce pays dans le processus d’indépendance de la Catalogne. L’objectif de la Russie,  d’après le juge Aguirre, était de déstabiliser l’État espagnol. A l’heure actuelle, sept ans après,  très précisément la veille du vote du texte sur l’amnistie, le juge Aguirre réactive le cas et  maintient cette accusation. Il affirme, en outre, que l’intention de Poutine était d’utiliser la  Catalogne comme un cheval de Troie pour déstabiliser l’Europe et menacer les valeurs et les  principes de l’Union européenne. 

Pour plus d’information, lisez l’article du journal en ligne Vilaweb « Le juge Aguirre révèle à  la télévision allemande des détails du scénario russe dans le cas Vólkhov ». Cet article (en  catalan) analyse la participation de Joaquín Aguirre au programme Taggeschau de la télévision  allemande (la vidéo insérée dans l’article est en allemand) : 

https://www.vilaweb.cat/noticies/video-jutge-aguirre-comenta-detalls-cas-volkhov-televisio alemanya/ 

Les interventions de ces deux juges, totalement inacceptables d’un point de vue juridique, à des  moments parfaitement calculés, démontrent qu’il y a une intention délibérée et préméditée de  faire exploser l’amnistie. La prévarication dont ils font l’étalage et le mépris qu’ils manifestent  pour le Parlement donnent la mesure de leur arrogance et de ce qu’ils sont prêts à faire pour  empêcher l’amnistie et dynamiter l’indépendantisme.

Pour en savoir plus, lisez l’article « Une loi « bien utilisée » par les tribunaux ? » de Josep  Cruanyes9publié sur le journal en ligne Vilaweb

https://www.vilaweb.cat/noticies/llei-amnistia-ben-utilitzada-tribunals-opinio-josep-cruanyes/

Pedro Sánchez doit maintenant respecter les promesses faites afin de pouvoir être reconduit  dans ses fonctions de président du gouvernement espagnol. Il savait que le PP et Vox sortiraient  l’artillerie lourde. Dans ce sens, et bien que cela n’ait pas été son objectif, loin de là, le refus de  Junts donne la « victoire », dans ce premier round, à la droite et à l’extrême-droite : le projet de  loi n’a pas été voté. Ce mois de février sera décisif. 

…………… 

Pour ce qui est de la langue, de plus en plus de cas d’intransigeance espagnoliste sont dénoncés  dans nombre de situations de la vie quotidienne, comme par exemple dans le domaine de la  santé. 

Quant à l’officialité de notre langue dans les instances européennes ce n’est pas pour tout de  suite. Pour commencer, la question n’a pas été débattue, le 29 janvier dernier, lors du dernier  Conseil des Affaires générales du Conseil de l’Union européenne, actuellement sous la  présidence belge. Par ailleurs, les États membres demandent un complément d’informations, en  particulier deux rapports. Le premier, à charge des services juridiques du Conseil, doit apprécier  si la modification proposée entre dans le cadre du droit communautaire. Le second, en cours de  préparation au sein de la Commission européenne, doit étudier l’impact économique de son  fonctionnement. Cela avait déjà été fait mais des précisions supplémentaires sont demandées  par les États. 

Pour en savoir plus, lisez cet article du journal en ligne Nació digital

https://www.naciodigital.cat/noticia/267432/oficialitat-catala-europa-es-torna-a-ajornar

vous pouvez aussi écouter le nouvel épisode de la Tertulia proscrita du 25 janvier dernier « On  és el perill per al futur del català » : 

Ici: https://www.vilaweb.cat/podcast/tertulia-proscrita-futur-catala-perill/ ………. 

Enfin, il ne nous faut oublier ni le « Catalangate » ni « l’Operació Catalunya », deux scénarios  échafaudés sur la pratique de la guerre juridique (lawfare) contre l’indépendantisme, sur la base  desquels ont été créées deux commissions d’enquête, ainsi d’ailleurs que la commission  d’enquête sur les attentats d’août 2017 à Barcelone et à Cambrils. Bref, ces trois commissions  

9Josep Cruanyes est avocat et historien. Il a été vice-président de l’ANC de 2018 à 2020. Il a été président de la  Société catalane d’études juridiques et secrétaire de la Commission de la langue catalane du Conseil de l’Ordre  des avocats de Catalogne et travaille depuis longtemps à la défense des droits linguistiques, motifs pour lesquels  il a reçu en 2018 la Croix de Sant Jordi.

d’enquête10 portent sur la corruption, les mensonges, l’espionnage illégal, les faux  témoignages… en définitive, sur des idées politiques qui ne sont pas celles défendues par une  caste puissante profondément enracinée dans un franquisme rétrograde.  

Pour en savoir plus, écoutez la vidéo « La ganiveta i Pegasus » de la plateforme Octuvre11 https://www.youtube.com/watch?v=qdp_zQQEIa4 

Nous aurons l’occasion de développer ces affaires plus tard. 

Si vous voulez participer, vous impliquer, si vous avez des idées de débats, d’actions,  d’activités, de rencontres qui pourraient être organisés sur l’actuel territoire de l’État français,  n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse suivante : france@assemblea.cat 

Nous vous rappelons aussi l’adresse de notre site Web : http://www.assemblea.fr 

Merci infiniment pour votre soutien et votre engagement. Maintenant plus que jamais nous  avons besoin de votre implication personnelle. 

Vive la Catalogne libre ! 

L’équipe de coordination de l’ANC France 

10 La création de ces trois commissions d’enquête fait partie des conditions du pacte pour l’investiture de Pedro  Sánchez 

11 Octuvre est une plateforme qui permet aux personnes intéressées de créer et de partager des contenus sur des thèmes que les grands médias n’expliquent pas.