Quelqu’un m’a dit récemment :
-Ha bon ? il y a des prisonniers politiques en Espagne ? ce sont probablement des terroristes . Qu’est-ce qu’ils ont fait de mal ? »
-Rien , ai-je répondu. Enfin on leur reproche de vouloir l’indépendance de leur Pays
-Ha tu vois ! C’est interdit par la loi de vouloir découper un pays
-Ben, l’Irlande, l’Autriche, l’Albanie, la Norvège, La Finlande, l’Islande, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne, la Biélorussie, la Bulgarie, la Croatie, la Moldavie, la Slovaquie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, la Slovénie, la république Tchèque, la Macédoine, le Monténégro, Malte, le Kosovo, la Hongrie, l’Ukraine … ont bravé les interdits pour obtenir leur indépendance, et ceci rien qu’au XXème siècle
-Et peut-être l’Ecosse au XXIème siècle! a répondu mon ami avec un clin d’œil.
Et peut-être l’Ecosse en effet après la victoire claire de l’indépendance aux élections et la demande immédiate d’un référendum, que Londres refuse d’envisager pour le moment. L’Ecosse se retrouve aujourd’hui dans la position de la Catalogne fin 2016 lorsque le Parlement catalan a investi Carles Puigdemont président de la généralité de Catalogne et qu’il s’est engagé à mener à bien le projet d’indépendance de la communauté autonome, référendum non accepté par Madrid.
On connaît bien ce qui s’est passé en Catalogne. Les lois référendaires ont été votées par le Parlement qui a approuvé un référendum le 1er octobre 2017. Le Tribunal Constitutionnel l’a déclaré illégal. Le référendum a eu lieu malgré une violente répression ; avec le « oui » majoritaire à 90 %, et avec un taux de participation de 43 % l’indépendance de la Catalogne est proclamée avec suspension immédiate de sa prise d’effets afin de négocier avec le président du gouvernement Mariano Rajoy. Ce dernier rejette toute négociation et annonce deux semaines plus tard la mise en application de l’article 155 de la Constitution espagnole, c’est-à-dire l’État d’urgence, la suspension du Parlement catalan et de nouvelles élections en décembre 2017. Élections gagnées à nouveau par les partis indépendantistes tandis que la répression s’abat sur les catalans. L’UE décide de détourner son regard.
Il sera intéressant de suivre, dans les semaines et les mois à venir, la confrontation à trois entre l’Écosse, Londres et l’Union européenne. La Grande Bretagne n’est plus dans l’UE mais surtout elle n’est pas l’Espagne.
En Espagne, le président du Tribunal Suprême, Antonio Marchena, faisant preuve d’un raffinement exquis dans l’humiliation, a demandé aux 9 prisonniers politiques de se prononcer dans un délai de 5 jours sur les demandes de grâce élaborées par des tiers qui lui sont parvenues il y a 9 mois. Le délai prend fin demain 10 mai . Jordi Cuixart, Président de l’ONG Omnium cultural en prison depuis le 20 octobre 2017 a déjà répondu qu’il n’avait à se repentir de rien et que si c’était à refaire, il recommencerait. Il recommencerait à demander à la foule de manifestants à se retirer pour éviter des frictions le 20 septembre 2017, il recommencerait à voter au référendum. Les 8 autres viennent d’annoncer qu’ils ne répondent pas à la Cour suprême espagnole parce que «la loi ne le prévoit pas et parce que ce n’est pas obligatoire».
Le tribunal a convoqué entre le 29 et le 30 juin trente-six politiciens et hauts fonctionnaires catalans pour exiger le paiement des frais du « DiploCat », l’entité de représentation de la Catalogne à l’étranger, entre 2011 et 2017. Il s’agit d’une nouvelle vague de répression qui commence.
Du 9 Novembre 2015 (date de la 1ere consultation organisée par les catalans) à aujourd’hui, la caisse de solidarité gérée entre Omnium et l’ANC a versé près de quinze millions d’euros aux tribunaux espagnols. Ils ont commencé par payer l’amende de 4,9 millions à Mas, Ortega i Rigau pour avoir organisé le 9-N; payé les 5,8 de la caution du tribunal numéro 13 de Barcelone, qui enquête sur l’organisation du référendum; la caution de 4,1 millions à la Cour des comptes imposée aux prisonniers politiques pour le même concept d’organisation du vote; et 560 000 euros de caution divers imposée aux hommes politiques et aux manifestants. Ces derniers ont été renvoyés à l’issue de certaines procédures, mais la plupart ont été réinvestis dans le paiement des peines. C’est un nouveau coup dur.
Il est à parier que l’Ecosse n’aura à affronter ni violences, ni emprisonnements, ni exil, ni représailles, ni humiliations. Si c’était le cas, la notion même de démocratie à l’européenne volerait en éclat … sauf quand il s’agit de l’Espagne . Pourquoi ce silence ?
Silence que les Suisses ne veulent plus cautionner. Le gouvernement suisse devra s’exprimer publiquement sur la répression, l’amnistie des prisonniers politiques et une solution politique pour la Catalogne. Le député socialiste Christian Dandrès a enregistré une interpellation parlementaire faisant cette demande. L’initiative a le soutien de vingt-deux députés de divers groupes politiques, mais surtout du Parti socialiste suisse, deuxième force de l’Assemblée fédérale. L’exécutif devra statuer pendant la première quinzaine de juin.
Avec le déconfinement progressif qui s’annonce, la 130ème veillée du Capitole pourrait reprendre ce mois-ci, si les conditions sanitaires le permettent.
Merci pour votre soutien.
PAU, AMNISTIA, LLIBERTAT i AUTODETERMINACIÓ
PAIX, AMNISTIE, LIBERTE & AUTODETERMINATION
Marie
PS : Les veillées hebdomadaires du Capitole de Toulouse ont pour objectif d’éveiller les consciences au sujet de la situation d’insécurité que vivent les catalans. Elles visent notamment à transmettre le message humanitaire, de solidarité et de défense des droits humains à l’encontre des 9 prisonniers politiques et de l’ensemble des citoyens catalans violemment réprimés à la suite du Référendum du 1er octobre 2017.