Evidemment, je vous parle « dans le vide » puisque la nouvelle région existe,
Cependant, je pense qu’il fallait décrire les mentalités des décideurs parisiens.
Voilà, pourquoi nous suspectons la majorité des dirigeants politiques et pourquoi le taux d’abstention augmente… même aux élections municipales.
Faisons un tour d’horizon.
La superficie du département des Pyrénées-Orientales est de 4.116 km², celle du Languedoc-Roussillon 27.400 km² et celle de la nouvelle région Occitanie 72.700 km². Le territoire français est divisé en douze régions. A titre de comparaison, la superficie de la Catalogne est de 32.108 km².
La France est le prototype de l’Etat-Nation. Elle est devenue une simple machine administrative qui gère divers secteurs ; du point de vue humain, l’Etat-Nation n’a rien à proposer, sauf des réformes… ou des tentatives de réformes qui concernent l’administration. Le choix a été fait depuis longtemps : l’organisation administrative l’emporte sur le développement économique et culturel.
En République Fédérale d’Allemagne, il existe 16 Länder (régions autonomes). En fait, treize Länder et trois Villes-Etats (Berlin, Brême, Hambourg). Les superficies vont de 70.000 km² pour la Bavière à 2.600 km² pour la Sarre. Les pouvoirs de ces Länder sont considérables et différents les uns des autres suivant leur histoire et leurs coutumes ; ils sont dirigés par des mini gouvernements. Rien à voir avec la nouvelle décentralisation française pilotée depuis Paris… comme nous l’avons rapidement constaté avec l’épisode d’un problème simple et secondaire : les 80 km/h que Paris pouvait déléguer aux régions. Même là, le centralisme a ressurgi.
Les Etats-Unis d’Amérique sont organisés, eux aussi, suivant le système fédéraliste. (Avec toujours la même constitution publiée en 1787, photo ci-contre). Rappelons que les Anglais, et ceux d’Amérique donc, appliquaient une constitution (inspirée de la Carta Magna de 1215).
Malgré cette très longue expérience, les colons d’Amérique avaient travaillé dans le calme pendant quatre ans avant de publier leur propre constitution.
En France, la première constitution écrite à la va-vite dans le brouhaha parisien de la révolution en 1791 n’a vécu qu’un an. Depuis la Révolution, il y a eu 15 constitutions.
Parlons du Texas.
L’Etat le plus vaste des USA est le Texas avec 695.662 km² – plus grand que la France – et le plus petit est le Rhode Island avec seulement 3.140 km². Pas d’égalité ni d’uniformité à la française… et pourtant le système fonctionne. Les Etats-Unis forment un pays fédéral de cinquante Etats. Chacun de ces Etats possède son gouvernement et ses élus qui siègent dans la capitale de cet Etat. A sa tête, un gouverneur et deux chambres, l’une composée de députés et l’autre de sénateurs. Ensuite, chaque Etat envoie à Washington d’autres élus : ses représentants (députés) et deux sénateurs. Oui, deux sénateurs, quelle que soit la superficie de l’Etat. Le Texas qui est l’Etat le plus vaste et le Rhode Island, l’Etat le plus petit, envoient, chacun, deux sénateurs à Washington. Sage institution, instaurée dès le départ dès les premiers travaux en 1783, qui limite la puissance des grands Etats. Ce qui fait que les Etats-Unis comptent toujours 100 sénateurs élus qui siègent à Washington.
Le Texas compte 27 millions d’habitants ; son PIB s’élève à 1.262 milliards d’euros. Sa capitale est Austin. C’est dans cette ville que siège le gouverneur; les élus forment deux chambres : celle des députés composée de 150 membres et celle des sénateurs composée de 31 membres. Quelles sont leurs attributions? Organisation des services de police, l’éducation, la culture, la religion et les impôts.
Ensuite, le Texas envoie à Washington d’autres élus:
32 représentants (députés) et 2 sénateurs.
Parlons de l’Occitanie.
Sa superficie est presque dix fois plus petite que le Texas, pour une population de 5.600.000 habitants. Son PIB est de 152 milliards d’euros (huit fois moins que celui du Texas, c’est-à-dire 1.262 milliards d’euros)
La présidente va siéger à Toulouse ainsi que l’assemblée des élus, c’est-à-dire 158 conseillers régionaux.
Cette nouvelle grande région envoie aussi dans la capitale, à Paris, d’autres élus: 46 députés et 30 sénateurs.
Comparaison TEXAS – OCCITANIE effarante
Que faut-il penser du nouveau découpage des régions?
Tout changement procure la sensation que l’on va innover: ce sera mieux ! Dès lors quelles sont les priorités? L’économie? La population? La géographie? L’administration? La politique? Ne rêvons pas: ce sont les bureaux parisiens qui ont décidé de remodeler le territoire.
Une preuve supplémentaire que le poids de Paris est si écrasant que l’Histoire de la France se confond avec l’histoire de sa capitale. Nous devons l’admettre: l’avenir de ce pays dépend de ce qui se trame dans des bureaux parisiens.
Peu avant 1870, Bismarck écrivait : «ce qu’il faudrait, c’est affranchir la France de la tyrannie de Paris. La France est une collection de troupeaux. Les Français forment une masse, quelque chose comme trente millions de cafres.»
En 1968, Michel Debré proclamait à Nantes : «Quand on veut abaisser la nation, on abaisse Paris. Quand l’étranger veut briser la France, il occupe Paris.»
Cela signifie que, en temps de crise, l’Etat fera tout pour maintenir le niveau de Paris au détriment des «Provinces»
Ce nouveau découpage des régions, imposé sèchement et sans aucune consultation populaire, est pourtant un acte d’une insolence incroyable! Tout a commencé dans le cabinet du ministère de la Fonction Publique dirigé par Marylise Lebranchu. Depuis quelque temps, des rumeurs circulaient « il faut alléger le mille feuille territorial ». Deux conseillers rédigent un «travail préparatoire» dans le cas où cette affaire serait lancée. Effectivement, le 24 janvier 2014, le président Hollande annonce, en public, vouloir réduire le nombre de régions. Il s’agit d’une décision personnelle car il prend tout le monde de court, même le premier ministre Jean-Marc Ayrault n’était pas au courant. Or, ce premier projet, préparé par les deux conseillers de Marylise Lebranchu, n’avait pas été discuté. Selon le conseiller Raphaël Schmidt lors d’une nouvelle réunion plus large, un autre conseiller, parce qu’il était issu du Limousin, était opposé à l’Aquitaine, alors que les Pays-de-Loire ne voulaient pas de Ségolène Royal. Bref, il n’y avait que des affaires personnelles en cause… et non des points de vue techniques comme les PIB, les voies de communication, l’enseignement, l’agriculture, l’industrie, l’histoire, etc. Il est avéré que ce découpage a été réalisé sans étude sur le terrain, sans vision à long terme : que de l’immédiateté!
Ecoutons Jean-Pierre Raffarin, sénateur et ancien premier ministre:
«la carte a été faite un soir à l’Elysée où le ministre de la défense Le Drian a refusé le jumelage entre Bretagne et Pays-de-Loire».
Ce refus catégorique est instauré sans explication, sans étude technique et sociale.
Puis au Sénat, Raffarin ajoute : «Nous avons appris qu’une carte a été improvisée, voire marchandée un soir à l’Elysée, dans leur solitude et quelques-uns ont imposé le fait du prince…» Et à la télé il ajoute : «…sans concertation; cela dit, est-ce que la concertation était-elle possible?»
Disons-le : en France, connaît-on le principe de la concertation et du compromis? D’autant plus que ce sont les hauts-fonctionnaires qui décident lors des réunions interministérielles. Benoît Hamon fait remarquer que «la crème des fonctionnaires est la même sous la gauche et la droite, c’est la continuité, ayant reçu la même éducation, participant aux mêmes soirées… c’est l’uniformisation généralisée». Selon la députée Karine Berger, «l’administration est trop puissante et trop complexe ; les élus et même les ministres ne peuvent rien changer ; et plus on attend et plus le blocage se renforcera».
Autres problèmes dans l’Occitanie.
Que va-t-on faire des anciens Hôtels de Régions? Un exemple. En juin 2014, à Clermont-Ferrand, le bâtiment qui devait abriter le Conseil Régional de l’Auvergne est inauguré; mais avec le nouveau découpage, Auvergne et Rhône-Alpes ont fusionné et c’est Lyon qui a été choisie comme siège… Une partie des locaux de Clermont-Ferrand reste désespérément vide. Coût du bâtiment: 80 millions. Mais, le peuple français a laissé faire sans réagir.
Pour conserver son siège la présidente de l’Occitanie doit «jongler» et négocier avec les barons politiques de Toulouse et de Montpellier. On ressent bien ce problème par exemple par le simple fait que les assemblées plénières se réunissent à Montpellier dans une salle louée sous prétexte que l’amphithéâtre de Toulouse est trop petit. Ce qui coute 100.000 euros par assemblée, soit 3 ou 4 fois par an.
Ce genre de découpage est inimaginable dans les pays modernes.
Sur les 276 régions de l’Union Européenne, on a beau chercher, on ne voit pas quelle région accepterait sans broncher de changer de nom et de frontières! Les habitants de ce pays qui acceptent ce mode autoritaire de gouvernement ont une excuse; ils sortent d’un moule qui leur a inculqué la foi dans le mythe de l’hexagone aux vertus divines. Les frontières naturelles n’ont-elles pas arrêté les nuages radioactifs de Tchernobyl? Une citation d’Agatha Christie me vient à l’esprit:
«Un peuple de moutons finit par engendrer un gouvernement de loups!»
Pourquoi de nouvelles régions ?
Les pères fondateurs du nouveau découpage avaient expliqué que la superficie de la région Languedoc-Roussillon, 27.400 km², était trop petite. Selon les plans parisiens, les nouvelles régions agrandies devraient gagner en puissance. Voyons ailleurs.
En Grande-Bretagne… le Pays de Galles, 20.800 km², est plus petit que le Languedoc-Roussillon.
L’Autriche 83.871 km² (superficie de la région Nouvelle Aquitaine 84.871 km² qui forme une seul région) est composée de 9 régions, toutes sont plus petites que le Languedoc-Roussillon, dont trois sont équivalentes à la superficie des Pyrénées-Orientales.
La Suisse est composée de 26 cantons dont la superficie varie entre 37 km² et 7105 km² ; seuls 3 sont plus grands que les Pyrénées-Orientales.
Aux Etats-Unis, 7 Etats sur 50 sont plus petits que le Languedoc-Roussillon.
Notons que le Pays de Galles, plus petit que le Languedoc-Roussillon, participe aux grandes coupes du monde : rugby, football, etc. et donc peut jouer, selon les hasards du calendrier, contre la France, les Etats-Unis, ou la Russie. Alors, pourquoi avoir proclamé que le Languedoc-Roussillon était trop petit?
Venons-en aux noms des nouvelles régions.
Pensez-vous que la Saxe, la Bavière, le Pays de Galles, le Tyrol, le canton de Vaux, le Massachusetts accepteraient de changer leur nom en un clin d’œil? Alors, quel nom pour la nouvelle région? Faut-il garder tout ce qui a forgé le cœur des gens, tout ce qui constitue notre humanité: l’histoire, les traditions, la culture, le bonheur de partager depuis des siècles un art de vivre, toute appartenance à un patrimoine, les bons moments et aussi les plus sombres? Probablement non, puisqu’on va nous imposer des noms artificiels, à consonance administrative.
Malgré ce que l’on raconte, la ville de Nantes est bien située en Bretagne et non dans la région Pays de Loire. Le 8 décembre 2018 à Rennes, plusieurs collectifs ont défilé pour que cette réalité historique devienne un fait administratif. A Rennes, des élus ont déposé, lors de la séance du conseil régional breton, un amendement pour débloquer la somme d’un demi-million d’euros pour la mise en place d’un groupe de travail commun.
La région nord est devenue «Hauts de France». Pourquoi le nom «Catalogne» ou «Pays Catalan» est-il absent dans la nouvelle région? Au sud des Pyrénées, la Catalogne deviendrait «Hauts d’Espagne» ; la Sicile «Sud d’Italie» ; la Bavière «Sud d’Allemagne» ; etc. Retenons la réflexion lancée par Malvy, ex-président de Midi-Pyrénées, lors d’une réunion : «400.000 personnes ne vont pas imposer leur point de vue à six millions d’habitants». (400.000 étant le nombre des habitants des P.O.).
L’agresseur n’est pas celui que l’on croit!
L’Etat n’a pas d’âme, seules les «provinces» ont une âme et chacune la sienne!
Et lui qui avait conquis le Maroc au canon pour y faire flotter le drapeau tricolore écrit au soir de sa vie:
«je n’aime pas le drapeau tricolore, je n’aime que le drapeau lorrain»
Supprimez le nom… et la chose n’existe plus!
Tous les philosophes, psychologues, psychiatres savent très bien qu’une chose existe dès qu’elle porte un nom et qu’elle est nommée. Tout cela pour vous faire sentir les risques que l’on prend en changeant de nom et à plus forte raison en perdant son nom. Et donc, peut-être comprenons-nous mieux ceux qui refusent ces modifications avec opiniâtreté.
C’est ainsi que François Calvet, maire du Soler, a été le premier élu à placer un panneau «Pays Catalan» sous la plaque routière de l’entrée de la ville.
Révisons : la région Occitanie…
Elle regroupe treize départements et gère un budget de l’ordre de 3,6 milliards d’euros, 5.900. 000 habitants. Elle se compose de 158 conseillers, 6600 agents dont 4800 dans les lycées
- Elle a créé treize «Maisons de la Région» une par département.
- Le CESER, Conseil Economique et Social et Environnemental
- Le CCRRDT, Conseil consultatif pour la recherche et le développement technologique
- Ce sont aussi, le parlement de la montagne, le parlement de la mer, l’assemblée des territoires.
- Une agence de développement économique ‘l’ADOCC’
- 13 Conseils départementaux
- 4 488 communes dont 23 de plus de 20 000 habitants
- 20 Communautés d’Agglomération
- 138 Communautés de Communes
- 1 Communauté Urbaine
- 2 Métropoles
- 30 PETR (pays)
- 1 Pôle métropolitain (Nîmes-Ales)
La région c’est aussi
- 153 Syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM)
- 500 Syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU)
- 242 Syndicat mixte fermé (SMF)
- 140 Syndicat mixte ouvert (SMO)
- Soit 1 227 groupements communaux en Occitanie.
Nous pouvons faire confiance à l’imagination de nos élus pour en créer de nouveaux….
Bref, soyons confiants: des centaines, voire des milliers d’élus et de fonctionnaires s’occupent de l’Occitanie, notre avenir est assuré… avenir encourageant; nous avons appris par la presse que «les habitants de l’Occitanie se nommaient des «Occitariens» c’est-à-dire …. «à rien»? Qui a décidé ? Ils continuent à faire ce qu’ils veulent… Pourquoi pas! Personne ne dit «rien».
« Je veux être tout ce que je peux devenir. »
Katherine Mansfield
(Femme de Lettres – Nouvelle-Zélande 1888-1923)