et fait exploser la majorité indépendantiste au Parlement de Catalogne
Les dernières semaines ont de nouveau été denses en évènements dans l’actualité politique sudcatalane. Le décision principale est sans doute la décision du président de Catalogne Quim Torra (de Junts per Catalunya, le groupe de Puigdemont) d’annoncer mercredi 29 janvier avant même la tenue du conseil éxécutif du gouvenement de la Generalitat sa décision de mettre fin à la législature et de convoquer les prochaines semaines les électeurs catalans aux urnes pour élire un nouveau Parlement.
La prérogative de dissoudre le parlement et d’aller à de nouvelles élections qui est exclusive du président de la Generalitat a ainsi été utilisée par un des partenaires indépendantistes mécontent de la décision d’ERC (Esquerra Republicana de Catalunya, le parti de l’ex vice-président Oriol Junqueras) de soutenir Sanchez à Madrid et de rendre possible la formation d’un gouvernement socialiste-Podemos en Espagne, mais surtout de retirer à Quim Torra son siège de député et d’appliquer ainsi la condamnation du président pour « désobéissance », condamnation jugée illégale par de nombreux juristes et responsables politiques. Le président du Parlement (ERC), Roger Torrent, a donc contribué à dynamiter la majorité indépendantiste, malgré le vote de début janvier qui assurait le président de la Generalitat du soutien des députés face aux attaques politico-judiciaires des tribunaux majoritairement « tenus » par la droite et l’extrême droite espagnole. Alors que ERC estime devoir « protéger » les institutions quitte à rentrer dans le rang et à appliquer strictement les verdicts contestables de la justice espagnole, le président Torra et Junts per Catalunya dénoncent au contraire que sans son siège de député, la fonction présidentielle est exposée et menacée par les anti-indépendantistes espagnols qui ont déjà annoncé qu’ils allaient redoubler d’interventions devant les tribunaux contre les responsables politiques et les élus catalan. Le président doit annoncer la date des élections après que le Parlement ait voté le budget dans un dernier geste de responsabilité dans l’intérêt du pays, budget qui sera d’ailleurs approuvé avec le soutien – négocié – des députés catalans de Podemos.
Soutien gratuit aux socialistes
Dans le même temps, les socialistes espagnols plus sûrs et satisfaits que jamais grâce au soutien inconditionnel d’ERC au gouvernement de Sanchez, et devant l’implosion – et la division – provoquée par les députés d’ERC, semblent revenir sur leurs engagements. Cette semaine, les déclarations et communiqués des ministres espagnols se sont enchainés pour nuancer, voire infirmer les accords conclus sur le « conflit en Catalogne » pour arriver à former un gouvernement. La rencontre le 6 février prochain avec le président Torra à Barcelone ne devrait servir qu’à « échanger sur des questions d’actualité comme les conséquences de la récente tempête » et à confirmer « le cadre constitutionnel comme limite du dialogue ». Pire encore, la table bilatérale de dialogue qui aurait dû commercer à se réunir dans les deux semaines qui ont suivi l’investiture n’est toujours pas en place, et les socialistes entendent attendre le résultat des élections catalanes (probablement en début d’été) pour entamer toute discussion.
Opinion catalane dubitative
Face à ce qui ressemble de plus en plus à un renoncement aux objectifs d’indépendance d’ERC (sur le court terme) et devant un PSOE qui semble avoir obtenu ce qu’il cherchait (gouvernement, division des indépendantistes, maintien de la prison et de la répression judiciaire), l’opinion indépendantiste est quelque peu dubitative voire désorientée ou désabusée. Le vice-président Pere Aragonès (ERC) a bien commencé la campagne en indiquant clairement qu’il n’était question en aucune manière de passer un quelconque accord avec les socialistes catalans et que les (futurs) alliés sont toujours les partis indépendantistes, mais les derniers sondages montrent une remontée de Junts per Catalunya au niveau d’ERC, une progression de la CUP (et une dégringolade de Ciudadanos). La presse catalane s’accorde à analyser la situation comme une clarification de la situation entre frères indépendantistes ‘ennemis’ et une nouvelle possibilité pour l’indépendantisme de continuer sa progression dans la société catalane pour poursuivre le bras de fer avec l’État espagnol. ERC espère que les élections permettent de consolider l’indépendantisme pour mieux négocier avec les socialistes espagnols à la ‘table de dialogue’ en dépassant les 50% d’électeurs en faveur de l’indépendance.
Le brexit renforce les indépendantistes
Un des effets collatéraux du brexit a été cette semaine de renforcer les indépendantistes catalans au Parlement européen avec l’entrée de l’ex ministre catalane de l’Enseignement de Puigdemont, Clara Ponsatí, exilée en Écosse, et toujours sous le coup d’une demande d’extradition de l’Espagne. Celle-ci a été officiellement reconnue par l’UE alors que les autorités électorales espagnoles voulaient obliger la députée catalane à se rendre à Madrid pour prêter serment sur la constitution avant de pouvoir être officiellement reconnue élue. La commission électorale refuse ainsi la réglementation européenne en déclarant vacant le siège de Clara Ponsatí, tout en lui reconnaissant l’immunité de parlementaire… L’Espagne entre ridicule et hors-la-loi de l’UE…
Puigdemont à Perpignan
Autre front de l’actualité, la venue annoncée à Perpignan de Carles Puigdemont le 29 février prochain. Celui-ci est en train d’organiser un meeting dans le capitale nord-catalane avec les deux autres députés européens, Clara Ponsatí et Toni Comín. De nombreux élus catalans, municipaux, maires, sénateur, lui apportent leur soutien et la délégation nord-catalane du Consell per la República prévoit entre 50 000 et 100 000 assistants. Une manifestation monstre, la première en terre catalane depuis le déclenchement de la répression espagnole en 2017 et depuis l’exil belge.
Le retour des prisonniers au Parlement
La semaine a aussi été l’occasion pour 6 des prisonniers politiques de faire un retour très médiatisé et avec réception officielle par le gouvernement catalan au Parlement de Catalogne où ils ont été autorisés à comparaitre devant la commission d’enquête sur la suspension de l’autonomie (application de l’article 155). Junqueras, Romeva, Turull, Rull, Forn et Bassas ont ainsi pu démentir les accusations mensongères du procès, ont réaffirmé leur confiance dans le processus vers l’indépendance. Ils ont mis en évidence la « couardise et le manque d’éducation » de Ciudadanos qui a quitté la salle sans écouter les interventions des indépendantistes. PP et socialistes catalans n’ont même pas daigné assisté à la commission. Et le Partido Popular réclame toujours la détention du président catalan Quim Totta pour « usurpation de fonction ».
Simultanément continue de se tenir à Madrid le procès contre les commandements de la police catalane accusés de « rébellion », procès qui met une fois encore en évidence la dimension politique des poursuites et le caractère mensonger et totalement fantaisistes et partisans des accusations des autorités espagnoles. Le parquet annonçait dans le même temps son refus d’accorder une permission à Jordi Cuixart (le président d’Òmnium Cultural emprisonné depuis plus de 2 ans) au motif que celui-ci « n’a pas demandé pardon et n’a pas été rééduqué » (sic). Une conception pour le moins ’médiévale’ de la justice…