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Le quotidien.lu

En Catalogne, des tours humaines pour le droit à l’autodétermination

2014-06-09 09:34:00
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photo AFP

Accompagnées d’une mélodie traditionnelle, entourées de drapeaux indépendantistes, des dizaines de tours humaines se sont élevées vers le ciel dimanche en Catalogne, mais aussi dans plusieurs villes d’Europe, pour réclamer le droit à l’autodétermination de cette région du nord-est de l’Espagne.

A Barcelone, avec pour décor la façade spectaculaire de la basilique de la Sagrada Familia, le groupe de “castells”, ou “châteaux”, de ce quartier a élevé une tour humaine de sept étages, face au public qui retenait son souffle. Déclarée patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco en 2010, cette tradition aux deux siècles d’histoire est devenue la vitrine de la culture catalane et un instrument culturel à l’appui de la revendication d’indépendance, portée par les nationalistes qui espèrent organiser le 9 novembre un référendum d’autodétermination.

“Les ‘castells’ symbolisent le moment politique que nous vivons. Beaucoup de gens s’efforcent maintenant de lever des tours qui auparavant étaient impossibles à lever, comme l’était l’indépendance, et qui à présent ne le sont plus”, explique Muriel Casals, la présidente de Omnium, une association de défense de la culture catalane. Sous le slogan “Nous les Catalans, voulons voter, des tours humaines pour la démocratie”, Omnium a réuni plus de 5.000 personnes de 71 groupes de ‘castells’ qui, dimanche, ont levé simultanément ces tours à Barcelone, Paris, Berlin, Londres, Bruxelles, Lisbonne, Genève, Rome, Santiago du Chili ou Montréal, ainsi que dans une quarantaine de localités catalanes. “Nous souhaitons très fortement pouvoir voter et nous voulons que l’Europe le sache”, témoignait Marga Tarrago, une fonctionnaire de 53 ans, membre du groupe des ‘castells’ de la Sagrada Familia. Dimanche, à midi pile, encouragés par les applaudissements et les cris réclamant l’indépendance, les participants, en chemise verte, pantalon blanc et ceinture noire, ont commencé à grimper, prenant position, debout, les uns sur les épaules des autres, jusqu’à former une tour de sept étages couronnée par une petite fille, la tête protégée par un casque. La même image se répétait à Tower Bridge à Londres, à Paris devant la Tour Eiffel, sur la Grand-Place de Bruxelles ou sur Alexanderplatz à Berlin, où les participants ont reçu le soutien de l’ancien entraîneur du FC Barcelone, aujourd’hui au Bayern Munich, Pep Guardiola.

– Un rôle politique –

“C’était impressionnant. Nous sommes une société très active et encore une fois, nous l’avons démontré”, affirmait Pere Tiana, porte-parole des ‘castells’ “Minyons de Terrassa”, qui ont participé à cette démonstration devant le siège du gouvernement catalan à Barcelone. “Les ‘castells’ et la culture catalane en général ont toujours eu un caractère très populaire. Ce n’est absolument pas élitiste, tout le monde peut y participer et c’est cela qui la rend si forte”, ajoutait Pere Tiana. Aujourd’hui, les ‘castells’ sont au sommet de leur popularité, avec une centaine de groupes, 11.000 membres et des constructions spectaculaires pouvant atteindre dix étages qui animent les fêtes populaires des villages de Catalogne, très différentes de celles du reste de l’Espagne. Les corridas, désormais interdites dans cette région, y laissent place à des traditions comme la sardane, ou encore les “correfocs”, pendant lesquels des personnes déguisées en diables courent, dansent et sautent dans les rues entre des feux artificiels. Parallèlement à la montée des velléités d’indépendance dans cette région de 7,5 millions d’habitants, la culture traditionnelle commence à y jouer un rôle politique.

“Auparavant, les organisations culturelles étaient apolitiques. Mais aujourd’hui, en grande majorité, elles ont pris position pour le droit à décider”, explique Lluis Puig, directeur général du département de culture populaire du gouvernement catalan. Le 11 septembre 2013, lors de la grande chaîne humaine organisée du nord au sud de la Catalogne pour revendiquer l’indépendance, de nombreuses associations culturelles ont rejoint les manifestants déployés sur 400 kilomètres.

La chaîne humaine, par endroits, s’était transformée en démonstration du folklore catalan. “Nous sommes différents, nous ne sommes ni meilleurs, ni pires, mais différents. Le gouvernement espagnol n’a jamais voulu l’entendre. C’est pour cela qu’aujourd’hui, nous voulons partir”, affirmait, devant la tour humaine de la Sagrada Familia, Maria Garcia, une retraitée catalane accompagnée de son mari, qui agitait un grand drapeau indépendantiste.