Samedi 26 octobre 2019, douzième jour de protestations et de mobilisations massives et continues dans les rues de Catalogne
pour protester contre la condamnation des leaders indépendantistes (à 100 ans de prison). L’ANC – Assemblea Nacional Catalana – et Òmnium Cultural, les deux plus grandes organisations civiques de Catalogne, avec le soutien de plus d’une centaine d’organisations avaient appelé à manifester ce samedi dans les rues de Barcelone.
500 000 personnes ont à nouveau rempli la rue Marina de 3,5 km pacifiquement aux cris de « Llibertat », « Llibertat, presos polítics », « Independència ».
Dans la matinée, le président de Catalogne Quim Torra avait reçu au Palau de la Generalitat quelques 814 des 947 maires du pays, soit 86%, ainsi que l’AMI – Association de communes pour l’indépendance – et l’AMC – l’association des communes de Catalogne – qui ont voulu renouvelé leur soutien au gouvernement catalan.
Le commissariat de la Policia nacional encerclé
Dans la soirée quelques 10 000 manifestants encerclait pendant plusieurs heures le commissariat central de la Policia nacional à Barcelone, répondant à l’appel des CDR, en lançant les slogans « Fora les forces d’ocupació » (Dehors, les forces d’occupation) et en bombardant les policiers de cannettes, d’œufs et de balles en plastique pour rendre symboliquement les balles en caoutchouc tirés par la police. En fin de soirée, la police procédait à l’évacuation de l’avenue et des rues entourant le commissariat.
L’Espagne montrée du doigt
Devant la manière de plus en plus autoritaire et peu démocratique dont les autorités font face à la crise institutionnelle, et à mesure qu’augmentent les violences policières et la répression politique, de plus en plus de voix internationales montrent l’Espagne du doigt. Au Conseil de l’Europe, au Parlement européen, lors de rencontres de dirigeants européens (Merkel-Poutine), à l’occasion d’interventions de personnalités comme le président du Parlement islandais, entre autres, les contestations des versions mensongères des représentants espagnols se font plus nombreuses, même si le silence des instances européennes dont les françaises reste encore assez assourdissant s’agissant de manquements graves aux principes de base des droits fondamentaux et de la démocratie. En campagne électorale pour les législatives du 10 novembre prochain, les socialistes espagnols continuent de refuser tout dialogue avec les indépendantistes – le président espagnol refuse même de répondre aux appels téléphoniques quotidiens du président catalan – et de réprimer la contestation au moyens des poursuites judiciaires (plus de 1000 personnes et élus traduits devant les tribunaux) et des emprisonnements arbitraires de manifestants. Le journal de droite ABC a révélé cette semaine qu’aucun explosif, ni aucun matériel n’avait été trouvé chez les 9 détenus indépendantistes accusés de terrorisme et maintenus à l’isolement depuis un mois.
Des centaines de blessés et de détentions
Le bilan de la semaine de manifestations et de blocages pacifiques des communications en Catalogne se chiffre en centaines de blessés : plus de 600 personnes dont plus de 60 journalistes, plus de 200 arrestations. Plus la répression augmente, plus les organisations catalanes (CDR, Tsunami démocratique…) et la société civile lancent des appels à la résistance, à la protestation et à la désobéissance civile. Pour les jours à venir, 5 nouvelles dates de manifestations et d’actions de protestation ont été annoncées, lundi 28 octobre des appels à bloquer la frontière ont été lancées. Le fossé semble s’agrandir de jour en jour entre le pouvoir espagnol et l’ensemble de la Catalogne, institutions, représentants politiques et population. L’impasse est complet, même si l’avantage semble plutôt se décanter du côté des Catalans qui réitèrent sans cesse leur détermination à voter pour l’indépendance et réclament sans relâche l’ouverture du dialogue et de négociations avec l’Espagne.
Une Espagne ouvertement franquiste
La semaine a été aussi marquée par le transfert du corps momifié de Franco du mausolée du Valle de los Caidos dans le caveau familial, avec la présence des autorités – la ministre de la justice – et des manifestants franquistes bras levés, drapeaux fascistes déployés et chantant l’hymne du dictateur. Le tout retransmis en direct par la télévision espagnole. Les mêmes autorités espagnoles qui censurent la télé catalane et interdisent de prononcer les mots de « prisonniers politiques » et « d’exilés » ou d’arborer les rubans jaunes, laissent s’exprimer en toute liberté et en toute « normalité » sur les médias publics l’extrême droite et les nostalgiques de la dictature. Une situation de plus en plus incommodante pour les autres membres de l’Union européenne et difficile à justifier.
Dilluns 21 d’octubre 2019 / 21 octobre 2019
Après une semaine de violences policières et d’agressions, les forces de l’ordre abandonnent la rue aux manifestants
En visite à Barcelone, Sanchez refuse de dialoguer avec le président catalan et alimente la révolte
Lundi 21 d’octobre après une semaine de violences policières, de brutalités, de provocations et d’agressions contre les manifestants pacifistes (les vidéos d’agressions délibérées et gratuites des policiers circulent en boucle sur les réseaux sociaux), les forces de l’ordre espagnoles se sont retirées et ont abandonné la rue aux milliers de protestataires qui dans toute la Catalogne bloquent les voies de communication et continuent de refuser le verdict contre les gouvernants catalans. Pour la première fois en une semaine, l’absence de présence policière et de provocations ont permis qu’aucune ville catalane n’ait connu de réponse sous formes d’échauffourées et de feu de containers, comme lors des nuits antérieures.
L’exécutif espagnol déboussolé
Devant la situation de blocage et de manifestations permanentes et généralisées en Catalogne contre le verdict du procès politique, le gouvernement espagnol semble déboussolé et sans savoir que faire. L’exécutif tente le tout répressif en envoyant des policiers brutaliser les manifestant pacifistes, lance des appels à l’ordre et à l’obéissance des Catalans sans aucun effet, puis retire les policiers de la rue, lance des perquisitions contre l’avocat de Puigdemont sous des accusations grossières de blanchiment d’argent, demande le calme mais refuse tout dialogue avec les autorités catalanes. À quelques jours des élections législatives, Pedro Sanchez, mais aussi les leaders du PP (Casado) semblent de plus en plus inquiets de la tournure que prend en Espagne une situation qui semble leur échapper. Les manifestations, en plus de la Catalogne et des Pays Catalans (València, Mallorca, Perpignan, l’Alguer en Sardaigne), commencent à se multiplier dans toute l’Espagne – Madrid, Andalousie, Murcie, Pays Basque (des centaines de milliers de manifestants samedi 19 dans la très chic station de Donostia/San Sebastian, sur la côte basque) – et les sondages indiquent que les partis qui profitent de ce climat sont le PP et l’extrême droite. Le leader socialiste pourrait bien de cette façon perdre son pari de convoquer de nouvelles élections en refusant tout allié et tout soutien.
Des centaines de blessés, plus de 50 journalistes agressés
Alors que Pedro Sanchez est venu rendre visite lundi 21 octobre aux policiers blessés et aux commandants des forces de l’ordre espagnoles (pas les policiers catalans), sous les huées des manifestants (à l’extérieur et même à l’intérieur de l’hôpital par les médecins et les malades qui scandaient « Llibertat, presos polítics » et « Poca-vergona » (sans vergogne) et avant de s’échapper comme un voleur, le même premier ministre a refusé de parler même par téléphone avec le président catalan, alors qu’il s’est entretenu avec la maire Podemos de Barcelone et la présidente socialiste du département (Diputació de Barcelone). Le leader socialistes pratique un même double langage éhonté : appel au dialogue et refus de parler aux indépendantistes, répression sauvage (les milliers de policiers lâchés sur Barcelone ont fait près de 600 blessés en une semaine, dont une cinquantaine d’hospitalisés, 12 en état grave, 4 d’entre eux ont perdu un œil et une jeune-fille (qui n’était pas manifestante…) est en situation critique après les coups reçus sur le crâne) et inaction politique. Les vidéos des brutalités policières qui circulent montrent des forces de police qui se comportent comme des bandes de délinquants ou des milices politiques d’un autre âge : attaques délibérées de passants inoffensifs et pacifiques, acharnement à plusieurs contre des manifestants pacifiques (de tous âges), violences en bande contre des mineurs, des vieillards, humiliations de militants indépendantistes, attaques de journalistes pourtant clairement identifiés (plus de 60 blessés)…
Détentions abusives et perquisitions contre avocats et élus
Au plan judiciaire, la répression s’étend de manière ouverte aux avocats et aux élus. Lundi 21 octobre, une opération était lancée contre l’avocat spécialiste des droits de l’homme (et défenseur de Puigdemont), Gonzalo Boye. Dans le même temps une perquisition était menée contre une agence de voyage de Vic qui organise des visites à Bruxelles. Les maires catalans étaient aussi la cible avec la perquisition la même journée de l’Association des maires pour l’indépendance. Les détentions de manifestant s’élèvent à plus de 200 et les tribunaux ordonnent systématiquement le maintien en prison « préventive » et sans caution « tant que dureront les manifestations ».
Alà Baylac-Ferrer