Vaste opération de mise en scène contre les indépendantistes avec 9 détenus accusés de terrorisme et mis au secret à Madrid
Un nouveau pas a été franchi cette semaine dans la répression politique en Espagne avec la détention de militants indépendantistes directement accusés de « terrorisme, rébellion et détention d’explosifs ». Les prisonniers politiques – « otages » comme les qualifient de plus en plus de Catalans – sont donc maintenant au nombre de 16 dans les geôles espagnoles.
Ce lundi 23 septembre tous les médias catalans et espagnols ouvraient leurs éditions avec les premières informations de la vaste opération, qualifiée de « razzia » par la presse catalane, menée en pleine nuit par 500 agents de la guardia civil spécialement déplacés de Madrid. Des descentes et perquisitions étaient effectués aux domiciles de militants indépendantistes. 9 personnes étaient détenues, dont 7 sont emportées immédiatement à Madrid et mises au secret dans les locaux de la police grâce au secret de l’instruction appliqué pour cette opération. La mise en scène des autorités espagnoles incluait l’enregistrement filmé des portes des appartement défoncées à grand coup de béliers, des domiciles sans dessus-dessous après les perquisitions et la « découverte » pour toute preuve, dans le local du comité des fêtes de la ville de Sabadell, de marmites et casseroles et d’un sac en plastique plein de produits pyrotechniques. Le procureur expose les résultats des perquisitions en parlant « d’éléments précurseurs susceptible de servir à la préparation d’explosifs ». C’est à dire rien.
Police et médias espagnols les accusent instantanément de « terrorisme, rébellion et détention d’explosifs »
Les personnes arrêtées, membres des CDR – les comités de défense de la République, groupes informels pacifiques et non violents formés dans toute la Catalogne après les violences de la police espagnole lors du référendum de 2017, de la suspension de l’autonomie et de l’emprisonnement du gouvernement catalan – sont accusées de « terrorismes, de détention d’explosifs et rébellion ». L’opération et l’instruction secrètes n’empêchent pas les médias espagnols de diffuser immédiatement les détails et accusations qui déclenchent l’application contre les inculpés la réglementation antiterroriste : garde à vue prolongée, pas d’avocat, pas de contact avec les familles, traduction immédiatement devant les juridictions spécialisées à Madrid.
Irrégularités et mensonges
Le monde politique catalan, mais aussi les journalistes et les avocats mobilisés dénoncent rapidement les irrégularités, les absurdités et les mensonges attachés à l’opération et relayés sans scrupules par le monde politique et les médias espagnols, la justice et la police. Fuites orchestrées par les autorités, interventions en dehors des horaires légaux, menace des maires qui se mobiliseraient, remise en liberté de deux des « présumés terroristes », enfants de 10 ans des détenus mis en joue et allongés sur le sol… La ministre de l’Éducation de Puigdemont, en exil en Écosse, Clara Ponsatí a averti sur les réseaux sociaux que « tout cela ne fait que commencer ». Parmi les élus du PP et de Ciudadanos, c’était à celui qui dirait la plus grosse énormité dans un délire éhonté de références aux attentats criminels de l’histoire récente de l’Espagne : les indépendantistes avaient été « pris avec des bombes à la main », la police avait évité une nouvelle hécatombe, les politiques et élus indépendantistes constituaient les soutiens au terrorisme…
Objectif : assimiler indépendantistes et terroristes
À la veille de la dissolution des Cortes avant les élections législatives du 10 novembre prochain et dans l’attente du verdict contre les prisonniers politiques catalans début octobre, un nouveau pas est franchi pour tenter de liquider le mouvement indépendantiste, de faire peur à la société catalane, d’assimiler indépendantisme et terrorisme, et sans doute de préparer la prochaine suspension de l’autonomie catalane et l’emprisonnements d’élus, de politiques et de militants. C’est dans ce sens que ne cessent de s’exprimer les partis espagnols, des plus virulents à droite au non moins nationaliste PSOE qui exige maintenant au président de la Generalitat et aux ministres indépendantistes de « condamner la violence [inventée] des groupuscules indépendantistes » et de « renoncer à un projet et à une idéologie illégale et qui sont un échec total » [dixit Pedro Sanchez], sous d’une répression encore plus dure. L’objectif de la « guerre sale » des pouvoirs de l’État est clair et de plus en plus explicite : neutraliser les militants et les politiques indépendantistes en les associant systématiquement au terrorisme. Le but étant de se débarrasser politiquement des adversaires indépendantistes aux prochaines élections et gagner le plus de voix possible dans les rangs du nationalisme espagnol et de l’anticatanalanisme.
Mobilisations dans toutes la Catalogne et tension croissante
Les mobilisations citoyennes ont suivi immédiatement l’opération de propagande et les détentions abusives. Les 7 personnes détenues sont gardées en « prison préventive le temps de l’instruction » alors qu’aucune preuve ni indice significatif des accusations, ni aucun fait ne peuvent être retenus contre eux. Les proches des détenus ont témoigné toute la semaine du caractère politique de l’opération de propagande, d’un récit totalement fictif inventé par juges et policiers, dans la ligne du procès de Madrid où les violences policières du référendum ont été attribuées aux électeurs pacifiques. La droite et les populistes de Ciudadanos ont même provoqué les premiers incidents au Parlement de Catalogne en insultant et en menaçant le président de la chambre et le gouvernement et se sont vus expulser de l’hémicycle. Les manifestations se sont poursuivies toute la semaine dans plus de 50 villes catalanes, concerts de casseroles et cris de « Nous sommes tous des CDR ». De même que plusieurs manifestations ont eu comme objectif des rassemblements devant les casernes de la Guardia Civil. La décrédibilisation de la justice et de la police espagnole atteint des niveaux maximums en Catalogne. La presse a rappelé cette semaine que l’appareil politico-judiciaire espagnol s’oppose à l’enquête sur les attentats djihadistes de Barcelone pour déterminer quels étaient les liens précis entre les terroristes et la police espagnole (malgré une plainte déposée par le père d’un enfant victime), ou encore que le militant d’extrême droite qui voulait assassiner Pedro Sanchez et chez qui on a trouvé un arsenal d’armes de guerre impressionnant n’a pas été inculpé de violence ni de terrorisme. Le président d’Òmnium Cultural Jordi Cuixart en prison « préventive » depuis 2 ans analyse cette offensive démesurée espagnole comme un progrès, « la prison étant un pas supplémentaire vers la victoire ».
L’État de droit et la démocratie sont de plus en plus gravement remis en cause en Espagne qui entend traiter la « question catalane » à la manière franquiste, avec la caution des plus hautes autorités politiques, judiciaires et policières, dans un silence impressionnant et de plus en plus difficile de ne pas considérer comme « complice » des autres membres de l’Union européennes, plus occupés par les évènements de Hong Kong ou de Turquie.
Alà Baylac-Ferrer