VU D’ESPAGNE Le référendum écossais, une leçon de démocratie (Marçal Sintes, Courrier International)
Les Catalans suivent de près le référendum écossais prévu le 18 septembre. Cette vraie leçon de démocratie et ce débat de haut niveau font rougir Madrid, estime l’éditorialiste. Et si le oui l’emportait, la pression monterait d’un cran dans la Generalitat de Catalogne.
EL PERIÓDICO DE CATALUNYA | MARÇAL SINTES
15 SEPTEMBRE 2014
Il reste très peu de temps avant que les Ecossais ne décident de leur avenir. Ils vont pouvoir voter sur l’indépendance, et ils vont le faire après être parvenus à un accord avec Londres. L’Europe – en particulier certaines capitales et les nations minoritaires – regarde vers l’Ecosse. L’Espagne et la Catalogne retiennent leur souffle, bien évidemment.
Mais comment le vote écossais va-t-il influer sur la partie que joue la Catalogne ? Commençons par ce qui est évident. Car il va de soi que la leçon de démocratie du Royaume-Uni appelle une comparaison peu flatteuse avec l’exécutif de Rajoy [Parti populaire (PP)] et le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE)]. On laisse voter les Ecossais, on interdit aux Catalans de le faire. Le débat entre Londres et l’Ecosse, par sa nature et son niveau, a aussi de quoi faire rougir Madrid. Rien à voir avec la fermeture d’esprit qu’on observe en Espagne, sans parler des insultes et des menaces qui y sont proférées.
Pas de vote catalan
Dès lors, le fait même qu’il y ait une consultation en Ecosse constitue un affront pour le gouvernement PP, qui, malgré tout, refuse toujours catégoriquement de faire une proposition raisonnable aux Catalans. La Catalogne ne cesse pourtant de la lui réclamer. L’extraordinaire manifestation du Onze de Setembre [Diada, fête nationale catalane] et le V [dessiné par les manifestants sur deux grandes artères de Barcelone] sont l’énième appel au dialogue.
Revenons au résultat écossais. Madrid et l’Europe sont convaincus que le non à l’indépendance va l’emporter, malgré les sondages qui indiquent une possible victoire du oui. Si le non a le dessus, Rajoy pourra se servir de ce résultat, car, à moins d’un miracle, il va persister dans son refus de laisser voter les Catalans. Si les Ecossais rejetaient l’indépendance, cela aurait un effet limité pour le souverainisme catalan, pour les raisons que je viens d’expliquer.
Le oui écossais : un coup dur à l'”espagnolisme” unioniste
Et si les indépendantistes s’imposent en Ecosse ? Eh bien, cela entraînera un vrai séisme en Europe. Mais, au fil des semaines et des mois, les terribles prophéties lancées par le PP et le PSOE pour effrayer les Catalans seront démenties les unes après les autres. Le oui écossais porterait de toute évidence un coup très dur à l'”espagnolisme” unioniste et donnerait des ailes au souverainisme catalan.
De même, il est clair que, dans cette dernière hypothèse, Artur Mas, président de la Generalitat [organisation politique de la communauté autonome de Catalogne], subirait de très fortes pressions pour “sortir les urnes dans la rue” le 9 novembre, en marge de la loi espagnole. En outre, le débat dans les milieux souverainistes sur ce qu’il faudra faire, comment agir, pourrait s’exacerber. Artur Mas devrait alors faire preuve de fermeté et de conviction pour éviter que le souverainisme n’explose et que les efforts et les espoirs de tant de gens soient douloureusement déçus.