Une déclaration de l’ ANC (Assemblea Nacional Catalana)

La Secrétariat national de l’Assemblea Nacional Catalana (Assemblée nationale catalane), réuni à Barcelone en séance ordinaire le 16 novembre 2013, compte tenu des moments marquants auxquels nous devrons faire face dans un avenir immédiat, a adopté son positionnement, qu’elle entend rendre public moyennant cette :

DÉCLARATION DE NOVEMBRE

PRÉAMBULE

L’Assemblée nationale catalane est une organisation populaire, unitaire, plurielle et démocratique, fondée sur la démocratie de base et sur l’unité d’action et composée de personnes qui veulent que la Catalogne devienne un État indépendant.

Le 11 septembre 2012, l’Assemblée nationale catalane a montré la capacité de mobilisation du peuple catalan. Elle l’a fait au moyen d’une grande manifestation qui a rassemblé plus d’un million et demi de personnes dans les rues de Barcelone. Le 11 septembre 2013, nous avons montré à nouveau non seulement notre capacité de mobilisation mais aussi d’organisation, les deux millions de personnes qui y ont participé s’étant réparties de manière ordonnée le long du pays pour former une chaîne humaine de plus de 400 km.

Ces mobilisations de masse populaires ainsi que l’immense impact qu’elles ont obtenu dans les médias du monde entier ont mis l’indépendance de la Catalogne au centre du débat politique et la question catalane sur la table des principales chancelleries du monde.

Le résultat des élections du 25 novembre 2012 et tous les sondages d’opinion sérieux confirment le large soutien des citoyens de la Catalogne à l’exercice du droit à décider. Mais, qui plus est, la volonté de constituer la Catalogne en tant qu’État indépendant nouveau est désormais le choix majoritaire parmi les citoyens catalans.

Ni l’échec du Statut d’autonomie de 2005-2006 ni la crise économique ne sont des éléments suffisants pouvant expliquer pourquoi nous sommes arrivés à cette situation. À l’instar de beaucoup d’autres pays d’Europe, nous vivons une crise des valeurs politiques traditionnelles et du modèle de société. Dans notre cas, ceci est rejoint par la revendication nationale catalane, jamais résolue par l’État espagnol, un État souffrant d’inquiétants déficits démocratiques et d’une incapacité historique à se repenser lui-même en mode plurinational.

Ce qui signifie que nous vivons une situation de triple crise : économique et sociale ; démocratique ; et nationale.

Privée des mécanismes de pouvoir définissant un État, la société catalane a dû trouver d’autres voies pour son progrès et pour son organisation. Paradoxalement, ceci lui a conféré une solidité exceptionnelle. Ce n’est qu’ainsi que s’explique, historiquement et à l’heure actuelle, le fait que la Catalogne ait pu faire face avec succès à des défis tels que l’intégration de vagues migratoires successives tout en préservant la vie en commun et la cohésion sociale, ou bien la défense des plus démunis, grâce à la création de réseaux sociaux de soutien.

Le peuple catalan a pris conscience du fait que pour lutter contre la triple crise dont il souffre il lui faut de véritables outils d’État.

L’autonomie que devrait assurer la Constitution espagnole de 1978 est une fraude. La Catalogne n’est pas reconnue en tant que nation, et l’autonomie obtenue n’est pas respectée. L’étouffement économique systématique du Gouvernement catalan, ainsi que la nouvelle vague centralisatrice et l’attaque délibérée du nationalisme espagnol contre la langue et la culture des Pays catalans, constituent une preuve évidente que l’encastrement dans l’État espagnol n’est possible que si nous sommes prêts à disparaître en tant que nation et en tant que peuple.

L’objectif de l’Assemblée nationale catalane est de récupérer l’indépendance politique de la Catalogne, moyennant la mise sur pied d’un État de droit, démocratique et social. L’Assemblée nationale catalane a canalisé la force de la société civile qui pousse vers un horizon national nouveau et encourageant, nous permettant de construire un pays meilleur.

Nous voulons un État catalan, car en tant que peuple que nous sommes, nous y avons droit. Mais nous le voulons surtout parce que nous l’entendons comme la possibilité  de construire un cadre de relations sociales, économiques et politiques propre. Un État au service des personnes où les citoyens seront le centre de ses politiques publiques.

Nous sommes dans un monde de plus en plus interdépendant, mais où aucun État ne renonce à son indépendance. C’est dans ce monde que nous, les Catalans, voulons participer à travers notre propre voix à la construction européenne, car nous croyons en la diversité, la liberté et l’égalité des personnes et des peuples. Autrement, la Catalogne réunit toutes les conditions pour devenir un État parfaitement viable et prospère en termes économiques. Et elle aspire légitimement à partager les transformations auxquelles l’Europe devra faire face pour résoudre l’actuelle crise structurelle et de valeurs communes, qui est à la fois profonde et préoccupante. Rien de cela n’est possible si nous ne sommes qu’une simple région espagnole.

Les forces politiques se doivent de mettre de côté les agissements tacticiens partisans et de penser au bien commun. Pour cela, il faut qu’elles agissent avec le maximum d’unité possible pour affronter avec force l’étape définitive du processus d’indépendance. Selon les circonstances, l’unité peut être exprimée en configurant un gouvernement de large unité, sous forme de larges accords parlementaires, de listes unitaires à large spectre, ou bien en partageant des points programmatiques se rapportant à l’avenir politique de la Catalogne. Dans tous les cas, et en dernière instance, il revient aux partis politiques et à leur sens de la responsabilité de concrétiser le mieux possible la manière dont il faut exprimer l’unité que réclament selon nous en ces moments les citoyens.

Nous savons d’où nous venons et où nous voulons aller, mais il faut dire aussi comment nous pouvons y arriver. C’est pour cela que, à ce stade du débat politique, l’Assemblée nationale catalane estime nécessaire d’indiquer quelques points qu’elle considère irrévocables.

Nous nous trouvons devant un débat strictement politique, sans limitations juridiques. En démocratie, il appartient au seul peuple de la Catalogne de décider de son avenir politique. Dans ce but, la tenue d’une consultation sur l’indépendance de notre pays est un objectif irrévocable ne pouvant faire l’objet de retards ni de rabais.

C’est pour tout cela que le Secrétariat national de l’Assemblée nationale catalane rend publique cette

PRISE DE POSITION :

1. La tenue d’une consultation sur l’avenir politique de la Catalogne pendant l’année 2014 est irrévocable.

2. La consultation doit avoir lieu le plus tôt possible, de préférence avant le 31 mai 2014, et doit être convoquée au moment où le cadre légal applicable aura été concrétisé.

3. La demande du Parlement de la Catalogne au Congreso de los Diputados (Parlement espagnol) de pouvoir organiser la consultation ne peut servir d’excuse pour la retarder. Le Parlement catalan doit fixer une date limite pour en recevoir la réponse. Après cette date [sans qu’une réponse du Parlement espagnol n’ait été donnée][1] il convient d’appliquer la Déclaration de Souveraineté et du Droit à Décider du peuple de la Catalogne, adoptée par le Parlement catalan le 23 janvier de l’année courante et convoquer la consultation conformément à la législation catalane.

4. La consultation doit proposer une seule question, claire et directe, à laquelle, il doit pouvoir être répondu de manière affirmative ou négative, et qui doit porter explicitement sur l’indépendance de la Catalogne. Toute autre possibilité serait une fraude, car le résultat ne serait pas déterminant et pourrait ne pas être reconnu par la communauté internationale. En ce sens, l’Assemblée nationale catalane propose la question suivante : « Voulez-vous que la Catalogne devienne un État indépendant ? »

5. Pour affronter l’étape actuelle avec des garanties de succès, un maximum d’unité d’action entre les institutions politiques catalanes, la société civile et les partis politiques est indispensable. Les forces politiques catalanes doivent agir avec un sens de la responsabilité maximum et dans l’unité, car ainsi le réclame une grande majorité des citoyens, et en plaçant les intérêts collectifs devant les intérêts partisans. L’unité d’action politique doit être rendue visible par de larges accords parlementaires permanents et, en cas de besoin, par la formation d’un gouvernement d’union nationale. L’unité sera le meilleur outil face aux tentatives permanentes des appareils de l’État espagnol de torpiller le processus et pour défendre les institutions en cas de dissolution ou de main mise sur le Gouvernement catalan par le Gouvernement espagnol.

6. Les élections européennes du 25 mai 2014 seront un défi et une occasion pour la Catalogne. Il faudra se mobiliser pour obtenir une participation aussi élevée que possible, car notre détermination nationale fera l’objet d’observation et d’évaluation par les pays européens en fonction des voix obtenues par les candidatures favorables à la consultation et à l’indépendance. L’Assemblée nationale catalane appelle, donc, à œuvrer dès à présent pour rendre possible une candidature à large spectre sociopolitique pouvant recueillir le soutien d’un nombre maximum de forces politiques et de mouvements populaires.

7. L’Assemblée nationale catalane suivra attentivement l’évolution de la situation et, s’il le faut, convoquera de nouvelles mobilisations pour assurer aux citoyens leur droit démocratique à être consultés de façon claire sur l’avenir de la Catalogne et pour défendre nos institutions nationales.

Barcelone, le 23 novembre 2013