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PROCÉDURES LÉGALES EN VUE D’UNE CONSULTATION CITOYENNE SUR LE FUTUR POLITIQUE DE LA CATALOGNE

Synthèse

  • Diverses procédures sont possibles en vue de la convocation d’une consultation sur le futur politique de la Catalogne : quelques-unes nécessitent de l’intervention du
    Gouvernement espagnol (en réglementant et convoquant un référendum, en
    autorisant le Gouvernement catalan à le convoquer dans le cadre de la loi 4/2010
    du Parlement de Catalogne, en lui transférant les facultés de réglementation et
    convocation du référendum, en réformant la Constitution espagnole (CE) afin d’y
    inclure la possibilité de convoquer des référendums autonomiques), tandis que
    l’approbation d’une loi de consultations non référendaires par le Parlement de
    Catalogne permettrait au Gouvernement catalan de convoquer cette consultation
    sans une intervention du Gouvernement espagnol.
  • Un élément commun à toutes ces procédures est le besoin de discuter et négocier
    avec le Gouvernement espagnol jusqu’où ce sera possible, pour essayer de
    parvenir à des accords préalables concernant non seulement la tenue même de la
    consultation mais aussi l’ultérieure reconnaissance et mise en œuvre des résultats.
  • Il serait convenable de choisir la ou les voies de convocation de la consultation qui
    vraisemblablement susciteraient les moindres problèmes vis-à-vis de la Cour
    constitutionnelle espagnole. Il s’agit d’assurer au maximum que le Gouvernement
    espagnol ne puisse opposer des chefs d’inconstitutionnalité qui s’avéreraient
    consistants car les éventuelles actions en justice à l’encontre de la consultation
    pourraient extrêmement retarder tout le processus.
  • La voie de la négociation renforcera aussi le constat que le refus du Gouvernement
    espagnol à la consultation répond à des motivations politiques, et non pas
    juridiques. C’est là un fait crucial à l’heure de justifier, sur le plan interne et devant la
    communauté internationale, que le verrouillage des voies légales de consultation
    internes aurait obligé à ouvrir d’autres issues alternatives (des consultations « non
    officielles » ou des élections plébiscitaires).

Développement

1- D’après les principes démocratiques et de l’état de droit, il y a au moins cinq
procédures pouvant être mises en œuvre en toute légitimité juridique afin de
mener à bien une consultation auprès des citoyens de Catalogne sur le futur
politique de leur pays :

a) Consultation populaire référendaire, réglementée par la loi 4/2010 du
Parlement de Catalogne du 17 mars 2010 sur les consultations populaires
par voie de référendum.

b) Référendums réglementés et autorisés par le Gouvernement espagnol :
ceux prévus par l’article 92.1 CE et par l’actuelle loi sur les référendums (loi
« organique » 2/1980 réglementant les différentes modalités de référendum, ou LORMR) ainsi que ceux pouvant être créés moyennant l’adoption d’une nouvelle loi « organique » ad hoc.

c) Transfert ou délégation de facultés du Gouvernement espagnol en matière de référendums, conformément à l’article 150.2 CE.

d) Réforme de la Constitution afin d’y inclure expressément un référendum de portée autonomique.

e) Approbation par le Parlement de Catalogne d’une loi de consultations non référendaires, en vertu de l’article 122 du Statut d’Autonomie.

2. TRAITS ESSENTIELS DE CHACUNE DES PROCÉDURES

a) Consultation populaire référendaire, réglementée par la loi 4/2010 du
Parlement de Catalogne du 17 mars 2010 portant sur les consultations
populaires par voie de référendum

La loi catalane 4/2010 permet les consultations populaires par voie de
référendum. Malgré qu’un recours avait été interjeté à l’encontre de cette
réglementation par le Gouvernement espagnol, et que la Cour constitutionnelle
l’avait suspendue temporairement, la Cour a par la suite levé cette suspension.
La réglementation de la loi 4/2010 est donc pleinement en vigueur et conserve
sa force d’obligation vis-à-vis de tous les pouvoirs publics et citoyens en
général.

Cette procédure est celle que, le moment arrivé, le Gouvernement catalan a
retenu comme étant approprié pour soumettre au référendum des citoyens de
Catalogne les questions politiques d’une transcendance toute particulière. Du
point de vue de l’efficacité pratique, cette voie est très probablement une de
celles permettant une convocation plus rapide de la consultation, car le

Gouvernement espagnol n’interviendrait pas formellement dans son
déroulement, quoiqu’il retiendrait la faculté de l’autoriser.

Or, si l’on tient compte des avantages et des inconvénients de cette procédure,
il est important de ne pas sous-estimer la possibilité que le Gouvernement
espagnol, qui avait déjà contesté la constitutionnalité de la loi, refuse d’autoriser
la convocation du référendum. Pour ce faire il va tout probablement alléguer que
le Gouvernement catalan manque de compétences pour convoquer un
référendum de ce genre : il faut donc tenir bien présente cette possibilité de
contestation par le Gouvernement espagnol, malgré qu’il y a de très bons
arguments juridiques pour réfuter cette prétention.

b) Référendums réglementés et autorisés par le Gouvernement
espagnol : ceux prévus par l’article 92.1 CE et par l’actuelle loi sur les
référendums (loi « organique » 2/1980 réglementant les différentes
modalités de référendum, ou LORMR), ou moyennant l’adoption d’une
loi « organique » ad hoc

Cette deuxième voie est basée sur l’analyse de l’article 92.1 CE qui permet
d’arriver à la conclusion que cette norme constitutionnelle protège la
convocation de référendums de portée territoriale autonomique seulement.

(…)

c) Transfert ou délégation de facultés du Gouvernement espagnol en
matière de référendums, conformément à l’article 150.2 CE

Le Gouvernement catalan pourrait aussi convoquer un référendum de portée
autonomique dans l’hypothèse où, après en avoir fait la demande au
Gouvernement espagnol, celui-ci, moyennant une loi « organique », lui
déléguerait ou transférerait cette faculté qui a été considérée comme étant
comprise dans la compétence de l’article 149.1.32 CE. Dans ce cas, le transfert
ou délégation pourrait être fait ad casum, c’est à dire, en vue uniquement de
convoquer la consultation –et, le cas échéant, la réglementer en partie-, non pas
de façon générale. (…)

d) Réforme de la Constitution en vue d’y inclure expressément un
référendum de portée autonomique

Une quatrième voie est celle de la réforme de la Constitution afin d’y inclure
explicitement le référendum de portée autonomique. Cependant, après la
réforme il faudrait encore solliciter la mise en application du nouvel article 92.1
CE, et le processus négociateur se prolongerait donc encore davantage.

La voie de proposer une réforme de la Constitution a l’avantage de ne pas avoir
de limites constitutionnelles et, par conséquent, de mettre en évidence que tout
refus de la proposition répondrait exclusivement à des motivations politiques.

Du point de vue de la procédure, il faut signaler que, conformément à l’article
166 CE, le Parlement de Catalogne pourrait solliciter la réforme constitutionnelle
à travers les voies envisagées par l’article 87 CE (en sollicitant au
Gouvernement espagnol la présentation du projet de réforme ou en présentant
une proposition de réforme au Parlement espagnol).

La voie de la réforme constitutionnelle peut être utilisée en tant que voie
« subsidiaire », une fois aurait été constaté l’échec d’autres alternatives, ou bien
en tant que voie « autonome », en marge de cet échec. On pourrait même
l’utiliser en tant que première option pour mettre en évidence de prime abord si
le Gouvernement espagnol a réellement la volonté politique de chercher une
quelconque procédures moyennant laquelle les citoyens de Catalogne puissent
exprimer leur avis sur leur futur politique collectif.

e) Approbation, par le Parlement de Catalogne, d’une loi de consultations
non référendaires, en vertu de l’article 122 du Statut d’Autonomie

Le Parlement de Catalogne travaille sur l’adoption d’une nouvelle loi qui
permettra au Gouvernement catalan la tenue des consultations populaires non
reprises dans l’actuelle définition légale de référendum. L’option de la
consultation populaire non référendaire organisée par le Gouvernement catalan
et articulée à partir du projet de loi qui est en cours au Parlement de Catalogne
a l’avantage d’être une procédure pouvant être mise en œuvre dans un délai
relativement bref et pour laquelle la décision sur sa convocation et les termes de
celle-ci dépendent du Gouvernement catalan, et ne nécessitent pas de la part

du Gouvernement ou du Parlement espagnols d’aucune démarche de
convocation ou d’autorisation de la consultation, qu’ils pourraient considérer
comme étant politiquement coûteuse. La seule chose qui est exigée du
Gouvernement espagnol est de ne pas contester la loi ni la consultation devant
la Cour constitutionnelle.

Afin que le caractère politiquement contraignant et la capacité de persuasion
des résultats de la consultation non référendaire soient comparables à ceux des
référendums, il faudrait que la réglementation de la future loi des consultations,
au moment de la détermination des personnes pouvant y participer et de
l’établissement des garanties de transparence et de sûreté devant régir leur
mise en œuvre, le fasse de manière sensiblement similaire à la réglementation
des consultations référendaires, sans convertir les consultations en des
référendums déguisés.

3. CONSIDÉRATIONS FINALES
Les cinq procédures retenues permettent de convoquer, en toute légitimité
juridique, une consultation populaire de portée autonomique sur le futur collectif
des citoyens de Catalogne. Un élément commun à toutes ces procédures est le
besoin de dialoguer et de négocier avec le Gouvernement espagnol jusqu’où ce
sera possible. Il faudra y consacrer tous les efforts pour essayer d’arriver à des
accords préalables à la tenue de la consultation, y compris ceux concernant
l’ultérieure mise en œuvre des résultats. Et ce de la manière la plus publique et
formelle possible afin de faire preuve « probante » d’un côté de cette volonté de
négociation et de l’autre côté, le cas échéant, des motifs allégués par le
Gouvernement espagnol en cas de refus éventuels.

Entre les critères dont le Gouvernement catalan doit tenir compte à l’heure de
choisir la voie ou les voies pour convoquer la consultation ressort celui de
favoriser les procédures suscitant vraisemblablement moins de problèmes de
constitutionnalité au Gouvernement espagnol. Il s’agit d’assurer au maximum
que le Gouvernement espagnol ne pourra opposer à la proposition des chefs
d’inconstitutionnalité consistants, de telle sorte que d’un côté des difficultés
accrues lui apparaissent lorsqu’il voudra intenter des actions juridiques à
l’encontre de la consultation, qui pourraient extrêmement retarder tout le
processus, et de l’autre côté devienne évident que les motifs réels de l’éventuel
refus ne sont pas juridiques mais politiques : de manque de volonté politique de
permettre la consultation.

Le constat que le refus de la proposition répond à des motifs politiques et non
pas juridiques est une donnée cruciale à l’heure de justifier, sur le plan interne
et devant la communauté internationale, le verrouillage des voies légales de
consultation internes et l’ouverture de voies alternatives -consultations « non
officielles », élections plébiscitaires…- dont la mise en œuvre des résultats
pourrait donner lieu, entre autres, à des déclarations unilatérales du Parlement.

Institut d’Estudis Autonòmics – DIPLOCAT