Joan Villanove - Opinions

Le Syndrome de Stockholm…

Prenons appui sur le quotidien l’Indépendant. Deux articles apparemment différents m’ont interpellé : l’affaire du Castillet et l’audience au tribunal de justice.

1 – Le 26 mai 2019 page 7, sous le titre « Le Castillet, l’inconnu bien-aimé », nous lisons sous la plume de Seb :

« Octobre 1904 : des ouvriers donnent les premiers coups de pics pour détruire le bastion Charles Quint qui prolonge le Castillet. Malgré l’inscription du bâtiment aux monuments historiques, malgré les injonctions du préfet, les Perpignanais se félicitent de la disparition de cet appendice. Pourtant en pensant aimer « leur Castillet », ils viennent de l’amputer dans l’ignorance la plus totale ».

2 – le 10 décembre 2019, sous le titre « Violences conjugales : Cette dame défend celui qui l’a frappée », nous lisons sous la plume de Guy Bosschaerts :

« Un véritable paradoxe émaille les audiences du Palais de Justice, malgré les violences subies, les victimes font tout pour éviter une condamnation à leur compagnon. »

Comment expliquer ces deux faits : la destruction d’un monument historique acceptée sans rechigner par les Perpignanais et une victime qui protège son agresseur. Ces deux faits sont-ils liés ?

Voici le fait divers qui a bouleversé le monde… 

Le 23 août 1973, Jan Erick Olsson, évadé de prison, entre dans une banque de Stockholm pour commettre un braquage. Il envoie une rafale de mitraillette dans le plafond ; les employés s’enfuient ou se jettent au sol. Rapidement la police encercle le bâtiment ; le ravisseur relâche le personnel et ne conserve plus que quatre employés. Les négociations commencent entre le ravisseur et la police ; de plus, un détenu, qui vient d’être libéré, rejoint dans la banque son compagnon de cellule. Ils sont maintenant deux ravisseurs. Pendant les six jours de négociations, un retournement incroyable se met en place : peu à peu les quatre employés vont faire confiance aux ravisseurs, puis ils vont se méfier de la police. Pendant l’enfermement, les quatre otages et les deux ravisseurs lient des liens de sympathie. Finalement le 28 août, la police pénètre dans la banque. Surprise et stupéfaction des policiers : les otages refusent d’être secourus. Avant de sortir, les deux ravisseurs et les quatre otages se prennent dans les bras et se disent au revoir chaleureusement. Plus fort : Kristin, une otage, employée de la banque, exige que les deux criminels passent devant de peur qu’ils ne soient abattus par la police. Lors du procès, les victimes refusent de témoigner à charge ; de plus, elles se cotisent pour assurer les frais de la défense des deux ravisseurs. Les quatre ex-otages iront leur rendre visite en prison.

Peut-on clarifier cet incroyable comportement ?

La même année, le psychiatre Nils Bejerot, a expliqué que ce comportement doit être vu comme une manifestation inconsciente de survie ; la victime concernée essaye de s’attirer la sympathie du criminel ; il s’ensuit qu’elle peut se croire hors danger et peut même influencer ses émotions ; si la pacification débouche sur une ébauche de « fraternisation », elle peut même espérer sauver sa vie. D’un autre côté, le preneur d’otage sait que s’il élimine les otages, il est perdu. L’otage est une monnaie d’échange. Et si la police charge, lui-même ou un otage risque d’être abattu ! Cet étrange comportement portera le nom de : « Syndrome de Stockholm ».

Le syndrome de Stockholm dans la famille.

Dans son livre « la peur de la liberté », Erich Fromm explique qu’au sein de la famille, un enfant peut être confronté à un père despotique et autoritaire. Que faire ?

L’enfant sait que s’il recherche l’affrontement, il court le risque de déclencher une opposition qui le mènera à des rapports de force qu’il est sûr de perdre ; s’il choisit de détester son père, il développera un sentiment de culpabilité : pas facile de haïr son propre père. Donc, il ne lui reste plus qu’à lui ressembler et même à s’identifier à lui.
Dans un environnement plus vaste, celui d’un régime politique despotique, nous retrouvons le même phénomène dans la relation que le citoyen entretient avec le dictateur.

Comportement identique pour une communauté vaincue par les armes. En adoptant par obligation les mœurs et la langue de la nouvelle autorité – c’est-à-dire du vainqueur – une solution plus ou moins supportable se met en place ; le vaincu doit renier ses propres valeurs et ses propres traditions ; il s’ensuit que la solution s’organise dans la douleur. Du point de vue individuel, il existe des soins adaptés qui peuvent résoudre la complexité d’un conflit… mais pour un peuple, comment le soigner ? Face à une montagne de problèmes, désire-t-il être soigné ?

Quel est le fondement de toute société humaine ?

Chacun d’entre nous accepte la loi et se plie normalement à l’autorité ; il y a un autre moteur de l’obéissance : c’est le conformisme. Que se passe-t-il « lorsqu’une situation est en opposition avec sa propre conscience ? » La tentation, c’est de faire comme les autres par mimétisme. Or, en démocratie toute opinion individuelle peut s’exprimer : c’est un droit ! Alors, peut-on accepter qu’une opinion individuelle soit endiguée et ne puisse pas s’exprimer ? Pourtant, c’est ce que nous faisons parfois par mimétisme. Harold Laski a écrit sans la moindre concession :

« …la civilisation est caractérisée, avant tout, par la volonté de ne pas faire souffrir gratuitement nos semblables. Selon les termes de cette définition, ceux d’entre nous qui se soumettent aveuglément aux exigences de l’autorité ne peuvent prétendre au statut d’hommes civilisés. »

Ce qui est dangereux, c’est l’obéissance aveugle : la perte du libre-arbitre est le signe que la communauté risque de dépérir. Alors ? Faut-il faire la révolution ?

Et maintenant, je vous pose une question simple…

Imaginons. Vous habitez une nouvelle rue. La municipalité lance une enquête et souhaite connaître votre opinion par ce questionnaire anodin :

« Choisissez la profession de la personne (homme ou femme) qui donnera son nom à la rue que vous habitez : un artiste, un entrepreneur, un militaire, un politique, un religieux, un scientifique. »
Réponse difficile ? Ça y est ? Vous avez noté ? « Sur les six, j’ai choisi un… »

Peut-il y avoir un syndrome de Stockholm chez les Catalans ?

Pensez-vous que des personnes, « au passé malfaisant pour le Pays Catalan », soient honorées ? Parce que si nous glorifions nos « ennemis »… nous voilà en plein syndrome de Stockholm. Mais ce n’est ni une faute, ni un délit, ni une trahison… c’est un aspect de la nature humaine. Ne prévoyons donc aucun jugement et aucune sanction. Si le syndrome de Stockholm est avéré, nous espérons simplement une prise de conscience, sans plus. Lançons-nous dans la vérification.

Nous voilà à Perpignan, et tournons-nous vers la Basse, rivière paisible qui traverse le centre de la cité. D’un côté le quai Vauban, de l’autre la Préfecture. Voyons ces deux rives.

1 – Quai Vauban

Chez nous, dans les Pyrénées Orientales (que certains appellent Catalogne-Nord) Vauban est considéré comme un bâtisseur. Quelle définition peut-on donner au mot « bâtisseur » ? On peut bâtir des monuments « guerriers » comme des châteaux, des murailles, des casernes ou des monuments « pacifistes » comme des ponts, des hôpitaux, des écoles. Bref, en deux mots : « constructeur-guerrier » ou « constructeur-pacifique » ?

Pas de doute : Vauban s’inscrit dans la catégorie du bâtisseur-guerrier.

Quelle est la situation du temps de Vauban ? Nous sommes quelques années après le traité des Pyrénées imposé aux Catalans en 1659. Louis XIV jette aux oubliettes les nombreux articles du traité qu’il avait signés ; il supprime toutes les institutions catalanes (notamment le Parlement des Députés élus) et les élections des Consols des villes sont truquées ; il interdit la langue catalane ; il impose les mêmes impôts et taxes que dans son royaume de France, notamment la gabelle, impôt détesté par le peuple en France et inexistant en Catalogne depuis 1282 ; pour la douane, il ajoute même de nouvelles taxes ; désormais c’est un Intendant qui regroupe tous les pouvoirs sous sa main : tout à l’opposé de ce qui se passait dans la « province catalane » depuis des siècles. Ce qui provoque la révolte des Angelets, avec à sa tête Josep de la Trinxeria. Quand les « révoltés » étaient pris par l’armée française, ils étaient torturés, écartelés et décapités.
Les parents des Angelets étaient blâmés ou condamnés jusqu’au quatrième degré de parenté. Les autorités françaises exigeaient de démolir les maisons de Josep de la Trinxeria et de ses lieutenants, à Prats-de-Mollo, à Saint-Laurent-de-Cerdans, à Arles, etc. « Démolir » une maison ? Ce seul mot n’arrive à décrire ni à exprimer le désarroi et le choc émotionnel ressentis par les Catalans de l’époque. C’est-à-dire que l’on commence par déménager les meubles, les vêtements, les draps, etc., qu’on amène chez les voisins ; puis on continue par démonter la toiture, les tuiles sont récupérées au sol, puis les poutres, puis le plancher… pierre par pierre… Une fois la maison disparue (au bout de combien de jours ?) des vides béants envahissent les cités. Peut-on imaginer les souffrances des familles expulsées ? Rappelons que Prats était la ville la plus importante après Perpignan.

Puis, les paysans furent réquisitionnés, à titre de corvée, pour démolir les murailles de leur propre ville : Elne, Arles, Prats, etc. En cas de refus, leurs biens étaient confisqués. Du point de vue symbolique, le château de Ria, qui avait vu prospérer Guifré el Pelós (mort en 897), fondateur de la dynastie des comtes et des rois catalans, fut entièrement démoli sur ordre de Vauban. Sur le registre de la mairie de Ria, on peut lire encore aujourd’hui :

« Lo any 1672 al 16 de maig se acaba de posar en terra lo castel de Ria per ordre del Rey Christianissim ».

 

Voyons les répressions : physique, économique et culturelle.

La tête des « résistants » ou « terroristes », suivant votre camp, était placée dans une cage de fer qui était suspendue dans trois villes : à Salses, Perpignan ou Villefranche.

A Villefranche.

* Francesc Soler, consul de Villefranche, (c’est-à-dire le maire élu) aurait dû subir 24 tourments, mais au quatrième, évanoui, impossible à ranimer, il fut mené au bourreau. Puis Carles de Llar ; nous avons récupéré le texte intégral du long interrogatoire en catalan, retranscrit par un huissier pendant les tortures… c’est-à-dire les questions posées et les réponses haletantes du supplicié ; texte que la décence ne nous permet pas de reproduire tant il est insupportable. Au total, ce sont trois têtes qui furent exposées, chacune dans une cage de fer suspendue au-dessus des portes d’entrée de Villefranche.

* Or, à la même époque, conséquence du traité des Pyrénées, l’artisanat, le commerce et l’agriculture commencent à se dégrader ; en 1718, Joblot, un haut fonctionnaire envoyé par Paris écrit : « Les 13 corporations comptant 39 maîtres et 26 garçons végètent, et les manufactures végètent aussi. Il n’y a point de manufacture que celle des cuirs, établie au faubourg de cette ville et qui fournit aux lieux circonvoisins qui produit tous les ans pour 3.000 livres de marchandise qui consiste en toutes sortes de draps dont elle faisait commerce avec les étrangers, et l’on voit encore à Messine [Sicile] leur magasin de la fabrique des draps de Villefranche-en-Conflent. Les guerres et la liaison que ces peuples avaient avec la Catalogne les ont obligés à abandonner la ville… » C’est le même effondrement à Prats de Mollo, à Collioure et à Perpignan… Bref partout.
* En 1674, en plein centre de la cité, Vauban fait abattre église, cloître et divers bâtiments sans état d’âme: avec les pierres récupérées, il renforce les fortifications élevées par les Catalans pendant le Moyen-âge.

En 1279, au coeur de Villefranche, les Franciscains avaient construit une église de 31 m sur 6 ; le cloître funéraire avait deux étages, construction rarissime ; une galerie couverte de 4 mètres de large avec 44 colonnes en faisaient le tour. (Comme le Campo Santo de Perpignan).

Sur la photo, c’est tout ce qu’il reste du cloître, deux ou trois enfeus anonymes et disséminés dans la ville… un souvenir pathétique. Evidemment, pas un seul panneau indicatif.

* Sur la haute colline qui surplombe la cité, Vauban fait construire un fort : de là, avec quelques canons, on pouvait menacer et bombarder Villefranche toujours prête à se révolter.
* Et aujourd’hui ? Lisons le document officiel récent de la municipalité :

« Vauban accorde la plus grande importance à la défense des hauteurs dominant la ville sans laquelle la place ne vaut rien. Le fort est bâti sur un éperon rocheux à flanc de montagne en 1681. Il assure la surveillance de la vallée de la Têt et forme, avec les remparts de Villefranche, un ensemble défensif redoutable ».

Question sur ce texte : « … la défense des hauteurs… ». Mais, se défendre contre qui ? Le Danemark ? La Russie ? Le seul peuple au monde qui espérait « conquérir » Villefranche, ce sont les Catalans (du sud) soutenus pas les Catalans du Nord qui tenaient à effacer le douloureux traité des Pyrénées et revenir à la frontière de Salses. Ainsi donc, les fortifications de Vauban sont destinées à repousser et combattre les Catalans… dont certains sont poursuivis, arrêtés, torturés et exécutés sur place…

A Villefranche comme ailleurs, Vauban reste insensible aux souffrances des Catalans, aux exécutions et à l’effondrement de l’économie ; il poursuit son plan de destructions massives et il bâtit les remparts militaires. Nous ne pouvons pas dire que Vauban était l’ami des Catalans.
Ce qui n’empêche pas de reconnaître qu’il était un brillant ingénieur militaire, mais il a humilié nos ancêtres, sans un seul regret

Villefranche vue depuis le fort :
Quelques canons suffisent à opprimer la cité.

Villefranche vue depuis le fort :
Quelques canons suffisent à opprimer la cité.

Première pause. Certains d’entre vous ont peut-être digéré et accepté cette page d’histoire et remercient Vauban d’avoir bâti des forteresses qui attirent les touristes.

Collioure.
Pour asseoir la domination militaire française et organiser la défense de la ville dans la cas où les « Espagnols » de la Catalogne voudraient retrouver la Province, Vauban ordonna de raser un tiers de la cité : plusieurs quartiers, la Maison du Consulat (elle devait ressembler aux bâtiments de la Mairie de Perpignan) et l’église. Les habitants de Collioure – réquisitionnés pour démolir leur propre ville – s’opposèrent à l’ordre et on parla même de mutineries. Pourtant, la démolition de l’église commença le 10 décembre 1672. Bienveillant, le roi de France répondit aux plaintes des habitants et il promit de donner à la ville 15.000 livres. Quel sera le calendrier de cette « compensation » ? Le roi versa 225 livres en 1684 et quelques livres suivront ; les 13.000 livres manquantes ne seront délivrées qu’en 1734, soit vingt ans après la mort du roi ; elles furent utilisées à la construction… d’une caserne pour abriter l’armée française. La compensation était devenue un nouvel outil de domination anti-catalane. Précisons que l’église actuelle a été bâtie en 1684.
Aujourd’hui, comment, les autorités locales voient-elles la chose ?
Voici le texte de la CCI de Perpignan :

« A Collioure, il ne s’agit que de quelques aménagements,
à Villefranche-de-Conflent, un fort est construit. A Prats-de-Mollo, l’ingénieur suggère de relever les murailles de la ville et d’agrandir le fort Lagarde. »

Oui, vous avez bien lu : « …quelques aménagements… ».

Perpignan. Le couvent saint François, l’un des plus grands du Roussillon, a été en partie démoli sur ordre de Louis XIV ; il est probable que Vauban ne fut pas étranger à cette décision. Les « résistants » ou « terroristes » (suivant votre camp) étaient torturés en plein air, sur la terrasse du Castillet pour que les hurlements de douleur effrayent les Perpignanais ; puis leur tête était placée dans une cage de fer suspendue sur un mur de la Loge de Mer.
Cerdagne. Dans plusieurs villages, le pouvoir militaire français ordonne les démolitions de dizaines de maisons. C’est Aiguatèbia qui paya le prix fort : le village fut entièrement rasé en 1674, comme le signale le courrier envoyé à Versailles : « l’on a razé et tout a fait destruict le village daiguettebia ».

Moralité. Malgré ces nombreuses destructions,

on trouve à Perpignan, à Collioure et à Villefranche des « rues Vauban ».
A cet instant, je recherche dans un autre pays un fait historique identique… Oui, en Russie. « Pensez-vous qu’à Moscou il y a une rue Napoléon ? » Si les Russes suivaient notre exemple, ils pourraient invoquer comme prétexte que l’incendie de la ville, provoqué par les troupes françaises (la Grande Armée), avait permis de reconstruire une cité plus moderne.
Il n’y a pas que les villes qui soient favorables à Vauban ; la Chambre de Commerce des Pyrénées Orientales « remercie » Vauban. Voilà un choix assumé. Pourquoi pas ?

A noter que Villefranche-de-Conflent et Mont-Louis sont inscrites au Patrimoine Mondial de l’Unesco ! Merci Monsieur Vauban. Pyrenees.fr est un site institutionnel géré par la CCI des Pyrénées-Orientales.

Seconde pause. Des bâtiments « pacifistes » (églises et cloîtres) ont été démolis et remplacés par des bâtiments « militaires » (canons et forts).
Partagez-vous l’opinion de la CCI qui remercie « Monsieur Vauban » ?

Alors… Syndrome de Stockholm ? Oui ou non ?

Ainsi, on trouve à Collioure et à Villefranche des rues Vauban, des commerces Vauban et même dans d’autres villages… A-t-il été le bienfaiteur de ces villes ? Pour certaines personnes, c’est oui. D’autres pensent que l’on a voulu encenser les fossoyeurs. D’autres pensent qu’il faut tourner la page et oublier. Ignorance, résignation ou lâcheté ? Et ailleurs, des exemples ?

À Albi et à Béziers, en Occitanie, en Languedoc, il n’y a pas de rue Simon de Montfort ; rappelons que, au XIII° siècle, Simon de Montfort avait été le bourreau des « occitans cathares » et l’incendiaire de plusieurs villes. De même, à Narbonne, pas de rue Clemenceau ; rappelons que, en 1907, des dizaines de milliers de manifestants à Béziers, Perpignan et Narbonne (plus de 100.000 parfois) protestaient contre la mévente du vin ; Clemenceau avait ordonné à l’Armée Française (oui, l’armée de 10.000 soldats appelés) de tirer sur la foule rassemblée à Narbonne. Le 19 juin 1907, trois morts et des dizaines de blessés ; le lendemain quatre morts et d’autres blessés ! Faut-il lancer un « Merci monsieur Clemenceau » ? Pourtant, il y a un boulevard Clemenceau à Perpignan. Que faut-il faire pour avoir une rue à son nom ?

Le journaliste Jules Escarguel s’écria : « Monsieur Clemenceau a triomphé, mais il reste éternellement déconsidéré comme chef des ministres ».

 

Revenons à Vauban.

Aujourd’hui, avec la vérité révélée, certains n’hésitent plus à clamer que, par ses actes, Vauban fut un militaire zélé anti-catalan…

…ils pensent que nous baignons en plein syndrome de Stockholm ; ils suggèrent de remplacer la plaque apposée sur le mur du quai par une autre :

Vauban (1633-1707)
Militaire Français
Oppresseur des Catalans

2 – La préfecture.

Quand nous abordons le traité des Pyrénées, on nous fait remarquer que « Le traité des Pyrénées a été signé il y a 361 ans… c’est loin. Donc, n’en parlons plus ». D’accord, à plus forte raison ne parlons plus de faits encore plus anciens. Mais l’Etat français le fait. Si vous trouvez que 361 ans c’est beaucoup, que dire alors d’un épisode vieux de 550 ans ?

Levez les yeux et regardez la façade de la Préfecture de Perpignan qui est ornée du médaillon représentant Louis XI (sur le bâtiment de droite). Médaillon installé en 1865… soit quatre siècles après les sièges.

Pourquoi les Catalans devraient-ils tourner la page du traité imposé en 1659… alors que l’Etat Français insiste pour rappeler que Louis XI – en 1475, soit deux siècles avant ce traité – s’était emparé momentanément du Roussillon après trois effroyables sièges de Perpignan ; Louis XI fut le bourreau impitoyable des Perpignanais et des Catalans du Roussillon. Aujourd’hui encore il est le symbole du « père fouettard » prêt à sévir si certains avaient des idées trop libérales… Ce que le camp français n’hésite pas à faire, le camp catalan doit pouvoir le faire lui aussi. Nous avons le droit de commenter et de critiquer le Traité des Pyrénées qui nous a été imposé.

Détail significatif sur l’état d’esprit de l’occupant : Louis XI décide que Collioure s’appellerait dorénavant « Saint-Michel ».

Voici les ordres donnés par Louis XI le 25 mars 1475 à Du Bouchage, le gouverneur de Perpignan :

  • Essayez de faire la ville maigre de vivres, afin qu’il s’en aille beaucoup de gens…
  • Bâtissez une citadelle…
  • Faites abattre tous les forts, excepté ceux de Perpignan, Salses, Elne, Collioure, Bellegarde, Laroque…
  • Défaites tous les officiers de la ville, ôtez-leur leurs pouvoirs ; ne conservez que le lieutenant de justice…
  • Donnez les héritages des nobles, quelles que soient les promesses qu’on leur ait faites…
  • Faites écrire sur un beau papier rouge le nom de ceux qui m’ont été traîtres ; et quand ils seront sur ce beau papier rouge, laissez-le à Bofill ou à celui que vous avez fait gouverneur, afin que si d’ici vingt ans, il en revient certains, on leur fasse couper la tête…
  • Eloignez les moines catalans, enlevez l’évêque d’Elne de son siège…
  • Privez les consuls de leurs autorités… »

Voyons maintenant le Castillet. Le Castillet a été construit par Pere III el Cerimoniós en 1368 ; mais, sur la plaque apposée par les services de la Mairie, il est « oublié ». En revanche, Louis XI, dont les armées ont assiégé, affamé et ruiné Perpignan, est cité… pour avoir été « agrandi », c’est-à-dire « amélioré » le monument.

Remarquez les grilles fixées côté intérieur de la ville et non côté extérieur ; les ennemis de Louis XI se trouvaient à l’intérieur de la ville. En 1483, le Castillet était devenu une tour de défense pour se protéger des Perpignanais.

3 – Moralité…

Les institutions « catalanes » locales passées et actuelles, les partis politiques et même certains mouvements dits « catalanistes » semblent apprécier ou du moins s’accommoder de Vauban et de Louis XI. Pendant des dizaines et des dizaines d’années, la plupart ont joué le jeu du « nouveau maître » et ont appliqué ses règlements en espérant un retour, une reconnaissance, une sorte de « fraternisation » comme nous l’avons constatée lors de la prise d’otages à Stockholm. L’Etat français les a-t-il récompensés pour leur choix ?
Aujourd’hui, le bilan est peu reluisant : nous constatons la piètre situation économique, culturelle et sociale des Pyrénées Orientales et de Perpignan décrite par tous les médias locaux. Il n’y a pas eu de retour. Il faut être cohérent : soit vous « bénissez » Vauban, soit vous arborez votre tee-shirt « fier d’être catalan ». Ces deux points de vue sont irréconciliables.
Cependant, nous devons dépasser les limites locales du « cas des Catalans ». Quel que soit le continent, quelle que soit la région du monde, un peuple a toujours été confronté à ce type de problème ; heureusement, il y a chez l’être humain une valeur profondément enracinée : la justice. Parfois, elle n’est pas enterrée, elle est mise en valeur.
Sans faire le tour de la planète, prenons l’exemple de la Vendée avec le Puy du Fou, parc d’attractions, élu « Meilleur Parc au Monde » ; c’est également l’une des régions les plus dynamiques en France. Or, dans le Parc, nous découvrons une vaste surface où sont reconstituées les guerres de Vendée, avec des figurants ; rappelons que, à partir de 1792, les armées révolutionnaires de la République française ont saccagé la Vendée causant la disparition de plus de 200.000 Vendéens, enfants, femmes et hommes. Il fallait oser s’attaquer à la révolution : les Vendéens l’ont fait. Ainsi, on peut assumer l’histoire, même douloureuse et odieuse, et réussir le développement de la région. La cohérence donne des ailes libératrices.

François Charrette, chef de l’armée des Vendéens, fusillé le 26 mars 1793
par les révolutionnaires

Alors ? Les Catalans sont-ils prêts à dévoiler les véritables histoires de Villefranche ?
De Collioure ? Du Castillet ? Etes-vous prêts à les illustrer par des panneaux ?

Amics per sempre….. Joan Villanove

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