Procès de la démocratie

Campagne éléctorale depuis la prison

sur fond de mensonges et de répression politique

BARCELONE.- Dixième semaine du procès de Madrid (33 jours d’audience). Le procès de Madrid contre les indépendantistes catalans continue son défilé de témoignages policiers tous formatés sur le même modèle de la description de « violences insurrectionnelles organisées » et utilisant le même vocabulaire, les mêmes expressions. Un festival continu de mensonges éhontés, d’irrégularités flagrantes et de limitation des droits de la défense, sur fond de campagne électorale pour les legislatives espagnoles qui devraient donner la majorité relative au PSOE le dimanche 28 avril. Le 17 avril s’est enfin terminé le cortège entre ridicule et scandaleux des déclarations des policiers espagnols, tous récités pour incriminer les accusés des charges fantaisistes qui leurs sont attribués : rébellion et sédition (qui impliquent l’usage de la violence organisée). L’avocat de l’expresident catalan en exil à Bruxelles, Jaume Alonso-Cuevillas vient de publier un travail supplémentaire sur le « procés » catalan, intitulé ‘1 judici (polític) i 100 preguntes. Dret penal per a no-juristes’ [1 procès (politique) et 100 questions. Droit pénal pour des non juristes] dans lequel il détaille par le menu les énormes et incroyables irrégularités et les innombrables entorses faites à la loi au moyen des poursuites judiciaires contre les indépendantistes emprisonnés.

Le procès reprend ce mardi 23 avril, fête de la Sant Jordi (George est la patron de la Catalogne), emblématique fête catalane du livre et de la rose (qui célèbre la littérature et les amoureux) jour durant lequel toutes les villes de Catalogne et des Pays Catalans se remplissent de stands d’éditeurs, d’écrivains qui vendent et dédicacent toute la journée durant aux millions de Catalans qui se pressent dans les rues, plus d’1 million et demi de livres et plus de 7 millions de roses. Autant dire que l’ambiance a été pour le moins étrange dans les rues de la capitale catalane (et dans toute la Catalogne) : fête culturelle et patriotique fortement teintée de revendication politique (les roses les plus vendues sont jaunes cette année), discours et affiches électorales se mêlent dans les rues aux annonces de Sant Jordi, les provocations et incitations à la haine des partis de droite et d’extrême droite (PP, Ciudadanos, Vox) tranchent avec la tranquillité de la société catalane et les déclarations pacifistes des prisonniers et des responsables politiques catalans qui tous appellent à un vote massif indépendantiste pour freiner le « fascisme » renaissant mais aussi pour empêcher les socialistes d’obtenir la majorité absolue et les obliger ainsi à dialoguer et à traiter politiquement la question catalane.

Nouvelle illustration de l’anomalie politique et antidémocratique qui affecte l’Espagne, cette semaine la JEC (‘Junta electoral central’, commission électorale centrale, autorité qui supervise les élections) après avoir interdit aux journalistes catalans d’utiliser les termes « exilés » et « prisonniers politiques » (mais les médias espagnols ressassent à longueur de chroniques les qualificatifs de « golpistas » (putschistes) et « fugitifs » pour désigner les indépendantistes, et après que les magistrats aient à nouveau réfusé l’excarcération des inculpés candidats aux élections au motif que la prison préventive ne remet pas en cause leurs droit civils et politiques (sic), l’autorité électorale a autorisé Junqueras, Romeva, Turull et Jordi Sànchez à participer par vidéo à des meetings électoraux et à des conférences de presse depuis leur prison… Outre le caractère ubuesque et kafkaïen de la situation, les images des prisonniers derrière une petite table blanche devant un mur de ciment nu sur auquel on a collé le portait du roi d’Espagne et un grand drapeau espagnol, ces images diffusent des hommes fatigués et émus mais déterminés et combatifs qui font face à une justice et à un pouvoir politique d’un autre temps et d’un autre monde, en plein cœur de l’Union Européenne du 21ème siècle. Les prisonniers ont répété en direct qu’ils ne renoncent à rien et n’ont pas à demander pardon ont lancé un appel à « construire la république et à gagner pour faire un pays meilleur, avec le sourire », Jordi Sànchez a averti le PSOE qu’ils lui demanderont à nouveau le référendum et le dialogue.

La ‘justice’ espagnole, pendant ce temps, poursuit sa répression contre l’indépendantisme. La salle n°13 du tribunal de Barcelone a refusé d’enregistrer d’ouvrir une enquête sur l’officier de la police espagnole Baena soupçonné d’avoir menti lors de son témoignage au procès de Madrid. L’officer qui avait nié être l’auteur sur twiter de ‘Tacito’ qui insultait et attaquait les indépendantistes sur les réseaux sociaux (alors que le même officier avait affirmé lors d’une émission de TV qu’il était bien la même personne). Non seulement le tribunal ne voit pas de motif de poursuite pour faux témoignage, mais les magistrats ont justifié leur absence d’intervention par le fait que « la validité des enquêtes du policier ne dépend pas de son idéologie » (sic).

De plus, le jeudi 11 avril, la presse catalane se faisait l’eco de l’implication de magistrats (Carlos Bautista Samaniego désigné par la police belge) dans l’espionage illégal de Puigdemont sur le territoire belge. La salle n°13 du Tribunal de Barcelone a également achevé l’instruction contre 30 personnes inculpées d’avoir participé au référendum (fonctionnaires de la Generalitat, entrepreneurs, responsables de médias…). Grâce à l’accusation de malversation, les inculpés vont se voir imposée une caution de 6 millions d’euros qui en cas de non paiement se traduira par la saisie de tous les biens des inculpés. L’objectif est clairement de continuer la persécution des indépendantistes, en utilisant l’outil judiciaire pour à la fois dissuader les velléités indépendantistes de la société catalane, réprimer tous ceux qui oseraient participer au projet politique d’émancipation souverainiste dans une véritable chasse aux sorcières à l’espagnole. Pas de changement de politique donc avec le gouvernement socialiste depuis l’objectif défini par la vice-présidente de Rajoy, Soraya Saenz de Santamaria : « décapiter l’indépendantisme ».

Quant aux témoignages du procès, ils ont poursuivi l’objectif des representants du ministère public, de l’État et de l’accusation populaire (extrême droite) : construire sur la base de déclarations toutes correspondantes et bien huilées le récit d’une ambiance « insurrectionnelle et violente » en Catalogne lors du référendum, multiplier les témoignages d’interventions policières (qui bien entendu sont l’opposé de la réalité de manifestations toujours pacifiques, mais le tribunal refuse de visionner les vidéos des brutalités policières), récits destinés à justifier la condamnation des accusés. Une opération d’État « pour l’exemple » loin de préoccupations de justice et de démocratie.

Carles Puigdemont lynché et fusillé en effigie. Le dernier scandale qui enflamme les réseaux sociaux est dû au lynchage en effigie de l’exprésident Carles Puigdemont dans un village sévillan. Le personnage pendu est fusillé (les policiers municipaux fournissaient les cartouches !) à bout portant devant la population (enfants compris). Une « manifestation festive traditionnelle » des célébrations pascales inspirée de la chasse ds Juifs, défendue par le maire socialiste de la commune. Au même moment où les leaders d’extrême droite de Vox réclament dans tous les meetings l’expulsion des immigrés, la suppression des autonomies, la légalisation du port d’arme, la pénalisation de l’avortement, la suppression de la loi contre la violence mascliste, la fermeture des télés en catalan (TV3 et À Punt, la télé valencienne), l’interdiction de l’école en catalan, l’interdiction des partis indépendantistes et l’emprisonnement de l’actuel président de la Generalitat, Quim Torra… entre autres !

Alà Baylac Ferrer