Procès de la démocratie

Pour un député allemand témoin au procès, « ce qui se passe ici est une véritable folie »

Septième semaine du procès de Madrid (24 jours d’audience).

Le défilé des témoins continue à la barre du Tribunal Suprême. Dans deux directions opposées. Les guardias civils et policiers avec le soutien des accusations et du président du tribunal égrènent leurs récits (imaginaires pour les plus indulgents, et clairement manipulateurs pour d’autres) de « violences » contre les forces de l’ordre qui sont intervenues « toujours de manière proportionnelle et délicate (« exquisida » -sic) », face à des observateurs internationaux qui ont rendu compte de la détermination pacifique des électeurs et de manifestants non violents malgré les intimidations et les brutalités policières. Le député Bernhard von Grünberg a déclaré à la sortie du tribunal que le « ce qui se passe ici est une véritable folie ». [Interview complète à Vilaweb]. Quant a la britannique Helena Catt, elle n’a pas pu répondre aux questions de la défense sur les violations de droits de l’homme constatées le 1er octobre pendant le référendum et consignées dans son rapport, le juge Marchena interrompant son témoignage qualifié de « non pertinant ».

Le témoin le plus attendu -et médiatisé par la presse espagnole- a été sans conteste le lieutenant colonel de la Guardia Civil Daniel Baena, en charge du commandement des opérations policières en Catalogne et des rapports sur la situation. Le vocabulaire employé par les témoins de l’accusation a indubitablement changé de registre pour correspondre encore davantage aux charges des accusés. Les officiers espagnols parlent désormais de « climat clairement insurrectionnel » et de « situation qui était une vraie poudrière qui aurait pu dégénérer en une escalade incontrolable » ou encore de « masse humaine » qui s’oppose à la police. Ce qui permettait à la presse catalane de titrer ironiquement cette semaine : « Insurrection sans incident »… Le même officier Baena a nié devant le tribunal être l’auteur d’insultes et d’attaques contre les indépendantistes sur les réseaux sociaux (alors même qu’il le reconnait dans une interview diffusée dans les médias il y a quelques mois…).

Nouvelle offensive socialiste contre l’indépendantistme

L’actualité est aussi marquée par la censure des médias catalans imposée désormais à visage découvert, alors même que tous les jours le parti d’extrême droite Vox est présent au procès contre les indépendantistes, procès qui lui sert de plateforme de promotion et de diffusion de ses thèses politiques en pleine campagne électorale… La Junta Electoral Central (JEC, Commission électorale centrale) après avoir interdit aux médias catalans d’utiliser les expressions « prisonniers politiques » et « exilés », ordonne maintenant à la TV catalane de « compenser » les partis espanyolistes en leur consacrant du temps d’antenne pour avoir informé de la manifestation indépendantiste de Madrid. La même JEC qui avait sommé toutes les institutions catalanes de retirer les banderoles et symboles faisant référence aux prisonniers politiques et qui a porté plainte pour désobéissance contre le président catalan Quim Torra. La Commission a même fait retirer la banderole de la mairie de Port de la Selva qui avait affiché le message « Llibertat, peixos pacífics » (Liberté pour les poissons pacifiques). De nombreux journalistes, mais aussi juristes, contestent la légalité de ces décisions et dénnoncent désormais ouvertement une limitation flagrante et partisane de la liberté de la presse en Espagne.

Le ministre des Affaires étrangères espagnol, José Borrell s’énerve face au journaliste de Die Deutesche Welle lors d’une interview télévisée et les images de l’interview tournent en boucle sur les réseaux sociaux. José Borrell, interrogé sur l’inaction du gouvernement espagnol et sur la répression de la crise catalane a interrompu deux fois l’émission, a traité de menteur le journaliste et a réfusé de répondre, visiblement très énervé. Le gouvernement espagnol a justifié et soutenu son attitude comme nécessaire pour défendre la dignité de l’Espagne.

Par ailleurs de nouvelles tensions diplomatiques se sont faites jour avec la France après qu’ait été rendu public le manifeste de 41 sénateur français en faveur de la liberté des prisonniers politiques catalans, de la démocratie et des libertés fondamentales. François Calvet, sénateur nord-catalan, ainsi que plusieurs maires de Catalogne Nord, ont été abondamment interviewés -en catalan- par les médias sudcatalans. L’initiative a motivé une protestation officielle de la justice espagnole et une réponse de la ministre française des Affaires européennes en soutien … du gouvernement espagnol. On apprenait aussi cette semaine que le Conseil régional de Toulouse avait voté une motion demandant la liberté des prisonniers politique et le respect de la démocratie, ce qui contribue encore à irriter les autorités espagnoles.

La campagne électorale espagnole monte en puissance avec una petite manifestation de l’extrême droite Vox à Barcelone (5000 personnes) et les nouvelles menaces de Pedro Sanchez d’appliquer à nouveau l’article 155 pour suspendre l’autonomie catalane, ce que demande à grands cris l’opposition de droite (Ciudadanos et PP) et d’extrême droite (Vox), si la Generalitat prenait des décisions unilatérales.

« Comprendre la crise catalane »

Lecture recommandée : Comprendre la crise catalane, ouvrage de l’historien de l’Université de Perpignan Nicolas Marty qui samedi 23 març a participé à l’émission de France Culture Répliques, affrontant deux anti-catalans Alain Fienkelkraut et Benoit Pellistrandi. Son travail clair, précis, objectif et mesuré -en français- est une référence indispensable pour tout francophone qui s’intéresse à la question catalane. Le livre vient de sortir aux Éditions Cairn.

Information quotidienne du procès, détaillée, en français, dans L’Indépendant catalan de Perpignan 

Alà Baylac-Ferrer