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En réponse à “Vu de l’ étranger”

de Joan Botella sur la Catalogne

Lorsque, enfin, vous vous décidez à parler des évènements en Catalogne vous le faites avec des raisonnements politico-politiciens. C’est faire fausse route, si je peux me permettre. C’est avec ce genre d’informations que les français, et Télérama avec eux, risquent de passer à côté d’une vraie révolution démocratique tout près de chez eux.

Pour expliquer ce mouvement, on peut avancer des arguments historiques (1000 ans d’histoire,300 de dépendance depuis la prise de Barcelone). D’autres expliquent tout par l’économie (un déséquilibre fiscal de plus de 8%, le double des régions les plus ponctionnées d’Europe) .
On peut encore avancer des raisons culturelles et surtout linguistiques…

Tout cela est le lit, le terreau. Mais ce qui pousse aujourd’hui 80% des catalans à vouloir un référendum, 65% des députés de droite et de gauche à voter une loi pour le permettre et 96% des municipalités à soutenir le Président qui le convoque, c’est un projet d’avenir.C’est un projet radicalement démocratique qui nous sorte enfin d’une Espagne qui n’en finit pas de sortir du franquisme et qui s’enfonce dans la corruption. L’Espagne est un carcan et une obligation. La Catalogne est déjà un projet partagé par une société ouverte, diverse, inclusive et tolérante qui veut bâtir des structures d’état à son image. C’est un mouvement pacifique de fond qui vient d’organiser en trois années les trois plus grandes manifestations de l’histoire de l’Europe… et cela de manière festive, familiale, souriante, sans casser une seule vitre ! Imaginez 7.000 000 de personnes réunies à Paris…C’est ce que représentent les 1.800 000 personnes (sur une population de 7.400 000 d’habitants) qui ont fait des chaînes humaines, des mosaïques, des manifestations et des débats en tous genres.

Vos lecteurs ont le droit d’être informés comme le sont déjà très largement les lecteurs de certains pays d’Europe. Il est vrai qu’en France on a parfois l’habitude de lire ce genre d’évènements avec des lunettes jacobines. On les écarte ainsi à coup de “égoïsme régional », “repli identitaire”, “séparatisme”, “nationalisme » Or, en l’occurrence point d’ «ethnicisme » ni de revendication identitaire. Dans les manifestations, dans les débats on parle aussi bien l’espagnol et toutes les langues de l’immigration actuelle. Il s’agit d’un mouvement majoritaire, transversal politiquement, inclusif culturellement, pacifique et démocratique.

Les catalans ne demandent qu’à voter, comme les Ecossais. Ils se heurtent au mur d’une constitution faite pour passer l’éponge sur les crimes du franquisme et pour préserver les privilèges d’une minorité.
Malgré cela ce n’est pas un mouvement contre l’Espagne. Encore moins contre les espagnols. Nous serons de bons voisins. Nous collaborerons d’égal à égal. La liberté n’est pas un vain mot. Elle ne se quémande pas. Elle se prend. La France en sait quelque chose.

Francesc Bitlloch, Perpinyà (Representant de l’ANC: Assemblea Nacional Catalana)