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Les Catalans critiquent le Tribunal constitutionnel, mais se plient à sa décision

Le Monde.fr |  • Mis à jour le  |Par Sandrine Morel (Madrid, correspondente)

A Barcelone, un partisan du référendum affiche à son balcon le message « Les Catalans veulent voter ».

Malgré la pluie, des dizaines de milliers de personnes se sont réunies devant les mairies des principales villes catalanes, mardi 29 septembre au soir. Au cri de « nous voulons voter », elles ont manifesté contre la suspension du référendum d’autodetermination prévu le 9 novembre.

Le Tribunal constitutionnel avait décidé, lundi 29 septembre, de suspendre la loi de consultations populaires catalane et le décret de convocation de ce référendum. Cette décision, qui n’était pas une surprise en Espagne, a provoqué les critiques et des commentaires ironiques de la part des nationalistes catalans. Cela n’avait pas empêché le gouvernement catalan de s’y plier sans attendre et de suspendre la campagne pour le référendum.

Mardi, le numéro deux du gouvernement catalan, Francesc Homs, a justifié cette « suspension temporaire et préventive » par la nécessité de « protéger et de garantir la sécurité juridique » des fonctionnaires, tout en insistant : « Le processus va de l’avant. Rien n’a pris fin hier. » Avant de prendre une décision définitive – annulation du référendum, convocation d’élections anticipées plébiscitaires ou épreuve de force –, le gouvernement catalan attendra que le Tribunal constitutionnel examine ses requêtes et celles du parlement régional.

« Le Tribunal constitutionnel est peu crédible en Catalogne. Il n’a pas de légitimité démocratique », a fait valoir en retour Carme Forcadell, la présidente de la puissante plate-forme civile independantiste, l’Assemblée nationale catalane (ANC). Celle-ci a annoncé mardi son intention de « poursuivre la campagne pour l’indépendance » et les mobilisations pour pouvoir voter.

« VITESSE SUPERSONIQUE »

Ce qui a le plus choqué les Catalans, c’est la rapidité avec laquelle cet organe, connu pour sa lenteur et son conservatisme, s’est réuni, quelques heures à peine après avoir été sollicité par le conseil des ministres. Le chef du gouvernement catalan, Artur Mas, a évoqué la « vitesse supersonique » à laquelle le président du Tribunal constitutionnel, Francisco Perez de los Cobos, s’est saisi du dossier : « Du jamais-vu en trente-cinq ans de démocratie. » Et derappeler que ce dernier est un ancien militant « de longue date » du Parti populaire (PP).

Le Tribunal constitutionnel, chargé de veiller au respect des normes et des principes de la Constitution espagnole de 1978, est l’objet de critiques régulières quant à sa partialité. « Entre obéir à un tribunal politisé ou obéir à la majorité de la population en Catalogne qui veut voter, notre devoir est d’obéir aux citoyens de Catalogne », a déclaré mardi Alfred Bosch, porte-parole au Congrès des députés de la Gauche républicaine catalane (ERC).

Le tribunal est composé de douze membres, dont dix sont choisis par le pouvoirpolitique (quatre par le Parlement, quatre par le Sénat à une majorité des trois cinquièmes et deux par le gouvernement) et deux par le Conseil général dupouvoir judiciaire, l’équivalent en Espagne de la Chambre de la magistrature.

Mardi, Artur Mas avait souhaité, sans grande conviction, que le tribunal agisse« comme l’arbitre de tous », sous-entendu Catalans y compris. Une façon dedire qu’il ne l’a pas toujours été et une référence directe à la décision du Tribunal constitutionnel du 9 juillet 2010. S’il fallait mettre une date à la montée de l’indépendantisme en Catalogne, ce serait celle-ci.

« NOUS SOMMES UNE NATION, NOUS DÉCIDONS »

Ce jour-là, le Tribunal constitutionnel, saisi quatre ans plus tôt par le PP, avait décidé de censurer plusieurs articles du nouveau statut d’autonomie de la Catalogne, dont celui mentionnant l’existence de « la nation catalane ». Pour de nombreux nationalistes, la décision montrait que leur singularité n’avait pas sa place dans la Constitution espagnole. La censure était d’autant plus dure àaccepter que l’« Estatut » avait été voté en 2006 par le parlement régional, mais aussi par le Congrès des députés espagnol, et enfin approuvé par la population catalane lors d’un référendum.

Le 10 juillet 2010, une manifestation monstre, rassemblant plus de un million de personnes dans les rues de Barcelone sous le slogan « Nous sommes une nation, nous décidons » marquait le début des mobilisations régulières en faveur de l’indépendance qui ont conduit à la situation actuelle.